Dans le Dunkerquois, des murs le long du camp de migrants
*Sécurité. Des clôtures, des barbelés ou des murs commencent à déformer le
paysage de l’ouest du Dunkerquois et rappellent ceux qui encerclent la
rocade portuaire ou les installations du tunnel sous la Manche. Certains y
voient les prémices d’une bunkérisation.*
Une présence policière 24h/24 aux abords d’un terrain en friche dans la
zone industrielle de Loon-Plage. Sur cette emprise du Grand Port maritime
de Dunkerque (GPMD), un mur de béton surmonté de barbelés a poussé en moins
d’une semaine le long de la voie ferrée. Partout autour des bâches bleues
emblématiques, qui couvrent les campements de fortune, des centaines de
migrants vivotent là, dans les sous-bois, à deux pas des sites industriels.
La voie ferrée était régulièrement traversée pour permettre aux exilés d’y
installer leur tente. « Le 29 octobre, la police a délogé tout le monde, et
à peine quelques jours plus tard, ils ont commencé à construire ce mur »,
témoigne Diane Léon, de Médecins du Monde.
« Encore plus dangereux »
Des engins de chantier sont toujours à l’œuvre, le mur va s’étendre et
devrait atteindre 1,5 km fin novembre. « Les gens sont en colère car ils
vivaient là !, peste Mohammad, 16 ans, originaire du Soudan. Ils ne
comprennent pas pourquoi du jour au lendemain, on les empêche d’y aller.»
Son campement est installé au pied du mur mais des migrants ont dû se
rapprocher de la route, « c’est encore plus dangereux, il y a beaucoup de
circulation ici», signale Ali, un Érythréen.
Le mur est né d’une concertation entre les services de l’État et le GPMD,
maître d’œuvre et propriétaire du terrain. Et si aucun accident n’a jamais
été recensé sur les voies, « c’est avant tout pour des raisons de sécurité,
plaide la direction du port. Et un sujet de protection humaine aussi bien
pour les personnes qui traversaient ces voies que pour les salariés des
entreprises qui tractent les trains. »
Diane Léon s’interroge : « OK, on les empêche de traverser la voie ferrée
pour des raisons de sécurité mais que leur propose-t-on à la place en
termes d’accueil ? On les condamne juste à l’errance. » L’humanitaire
estime qu’il s’agit là « d’invisibiliser ces personnes. Avec ces murs, ces
grillages, on a l’impression d’être dans le Calaisis ».
Sont-ce les prémices d’une bunkérisation de l’ouest du Dunkerquois ? À
Gravelines, André et Léontine Vérove, 74 et 73 ans, le pensent. Ils se
promènent le long d’une immense clôture surmontée de barbelés avec à
l’arrière la centrale nucléaire. « On dirait un camp retranché ! , lâche
agacé André Vérove. On a l’impression de revenir des années en arrière,
pendant la guerre.» Il y a quatre ans, en raison de la crise migratoire,
EDF, exploitant de la centrale, avait voulu sécuriser ce terrain autour «
car les passeurs venaient cacher leur bateau dans les blockhaus», raconte
Alain Bonnefaes, adjoint au maire à la tranquillité publique. « On voit des
clôtures partout maintenant, regrette Léontine. On ne peut même plus se
promener à certains endroits alors qu’on avait l’habitude d’y aller. »
Des fonds britanniques
Il y a quelques jours, en concertation avec les habitants, la commune aussi
a fait construire une clôture sur 1 km et deux mètres de haut, pour
encercler un bois, à proximité du chenal et de la plage. Un coût de 80 000
euros pris en charge par les fonds britanniques.
« C’était la seule solution, il y avait des intrusions dans les jardins et
les riverains craignaient des incendies en raison des feux allumés dans le
bois, expose Alain Bonnefaes, qui redoute un début de bunkérisation. Ce
n’est pas agréable mais on n’a pas le choix, on n’a pas assez de forces de
l’ordre. Il faudrait une présence permanente. Mercredi soir, on avait
encore 500 migrants qui attendaient ici. » Une situation vectrice de
tensions, dénoncée par des habitants à moult reprises et par un collectif
des maires du littoral, démunis, souvent dépassés par l’ampleur de la crise.