James C. Scott. Cela faisait une quinzaine d’années que le public français
avait découvert son œuvre,** entamée pourtant dès les années 1980 en
langue anglaise. Tenant, à l’instar **de Pierre Clastres, Marshall
Sahlins ou David Graeber, d’une anthropologie parfois qualifiée d’«
anarchiste », Scott n’a cessé de **remettre en cause les grands récits
évolutionnistes, l’évidence et la désirabilité de l’État, tout en
décryptant ses logiques et ses effets sur la structure des sociétés
humaines, du néolithique à nos jours. Aux mécanismes de la domination, qui
n’est jamais aussi féroce que centralisée et bureaucratique, il oppose
ainsi les visages multiples de la résistance, ses formes souterraines comme
les plus éruptives. Si sa pensée aura été constante et limpide, sa
trajectoire n’est pas sans ambiguïté — en témoigne une collaboration avec
la CIA en Birmanie durant ses années étudiantes*1
https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-james-c-scott/#footnote_0_118443
. *D’« avant-garde » à « Zomia », 26 entrées pour découvrir un pilier
des études subalternes.*
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*Avant-garde *: « Aucune expression ne renvoie mieux à l’image de quantité
et de nombre sans ordre que le mot de masses. Une fois que la base est
décrite de la sorte, il est clair que sa contribution au processus
révolutionnaire sera limitée à son poids numérique et à la force brute
qu’elle pourra déployer si elle est dirigée avec fermeté. […] Lénine savait
bien sûr parfaitement que la classe ouvrière avait bien une histoire et des
valeurs, mais cette histoire et ces valeurs risquaient de la conduire dans
la mauvaise direction si elles n’étaient pas remplacées par l’analyse
historique et la théorie révolutionnaire avancée du socialisme
scientifique. Dès lors, non seulement le parti d’avant-garde était
essentiel afin d’assurer la cohésion tactique des masses, mais il devait
aussi littéralement penser à leur place. » (*L’Œil** de l’État.
Moderniser, uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
Bolcheviks : « Le fait le plus discordant à propos de la révolution russe
est que celle-ci ne fut pas initiée de manière significative par le parti
d’avant-garde, les bolcheviks. La plus grande réussite de Lénine fut de
s’emparer de la révolution une fois celle-ci accomplie. […] Ce qui suivit
dans les années précédant 1921 peut être au mieux décrit comme la
reconquête de la Russie par l’État bolchevik naissant. Cette reconquête
ne fut pas seulement une guerre civile contre les Blancs, il s’agissait
aussi d’une guerre contre les forces autonomes qui s’étaient emparées de
pouvoirs locaux lors de la révolution. Elle fut avant tout un long combat
voué à détruire le pouvoir indépendant des soviets et à imposer aux
travailleurs le travail à la pièce, le contrôle du travail et l’abrogation
du droit de grève. » (*L’Œil** de l’État. Moderniser, uniformiser,
détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
Coulisse : « En coulisse, là où les dominés peuvent se réunir à l’abri du
regard inquisiteur du pouvoir, une culture politique tout à fait dissonante
peut émerger. » (*La Domination et les arts de la résistance. Fragments du
discours subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
Dignité : « Je privilégie les questions de dignité et d’autonomie,
généralement considérées comme secondaires par rapport à l’exploitation
matérielle. L’esclavage, la féodalité, les systèmes de castes, le
colonialisme et le racisme engendrent toujours des pratiques et des rituels
de dénigrement, des insultes et des atteintes au corps. […] De telles
formes d’oppression privent les dominés du luxe ordinaire de la réciprocité
négative qui vaudrait l’échange d’une gifle pour une gifle, d’une insulte
pour une insulte. Même les membres de la classe ouvrière contemporaine
semblent accorder une place au moins aussi importante dans leur expérience
de la domination aux brimades faites à leur dignité et à la surveillance
étroite et au contrôle dont ils font l’objet sur leur lieu de travail qu’à
des préoccupations plus directement liées au travail en soi ou au salaire. »
(*La Domination et les arts de la résistance. Fragments du discours
subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
État : « Comment l’État en est-il peu à peu venu à mieux connaître ses
sujets et leur environnement ? Soudain, des processus aussi disparates que
la création de patronymes permanents, la standardisation des unités de
poids et de mesure, l’établissement de cadastres et de registres de
population, l’invention de la propriété libre et perpétuelle, la
standardisation de la langue et du discours juridique, l’aménagement des
villes et l’organisation des réseaux de transports me sont apparus comme
autant de tentatives d’accroître la lisibilité et la simplification. Dans
chacun de ces cas, des agents de l’État se sont attaqués à des pratiques
sociales locales d’une extrême complexité, quasiment illisibles, comme les
coutumes d’occupation foncière ou d’attribution de noms propres, et ils ont
créé des grilles de lecture standardisées à partir desquelles les pratiques
pouvaient être consignées et contrôlées centralement. » (*L’Œil** de
l’État. Moderniser, uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
Futur : « N’importe quelle idéologie prêchant ainsi sur l’autel du
progrès privilégiera certes pareillement le futur, mais le haut-modernisme
porte cette tendance à son paroxysme. Le passé est une entrave, une
histoire ancienne dont la seule vocation est d’être transcendée. Le présent
est la rampe de lancement de projets porteurs d’un meilleur futur. […] Ce
choix stratégique de privilégier le futur est lourd de conséquences. Plus
le futur est susceptible d’être connu et réalisé, comme la foi dans le
progrès encourage à le croire, moins ses avantages à venir sont pensés en
intégrant une part d’incertitude. En conséquence, la plupart des
haut-modernistes sont convaincus que la certitude d’un meilleur futur
justifie les nombreux sacrifices à court terme qui se révéleront
nécessaires pour y arriver. » (*L’Œil** de l’État. Moderniser,
uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
Guerre : « Le lien étroit entre appropriation et domination fait qu’il
est impossible de séparer les idées et le symbolisme de la subordination du
processus d’exploitation matérielle. De la même manière, il est impossible
de séparer la résistance symbolique voilée à la domination des luttes
matérielles visant à soulager ou interrompre l’exploitation. Tout comme la
domination, la résistance mène ainsi une guerre sur deux fronts. » (*La
Domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne*,
Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
Haut-modernisme : « Qu’est-ce que le haut-modernisme ? […] En son cœur se
trouve une confiance absolue en la possibilité de faire advenir un progrès
linéaire et continu, le développement des savoirs scientifiques et
techniques, la croissance économique, la planification rationnelle de
l’ordre social, la satisfaction croissante des besoins humains et, surtout,
un contrôle de plus en plus accru sur la nature (y compris la nature
humaine) à mesure qu’augmenterait la compréhension scientifique des lois
naturelles. Le haut-modernisme incarne ainsi une vision notoirement
exubérante de la manière dont les bénéfices des progrès scientifiques et
techniques peuvent être investis – en général par le biais de l’État — dans
tous les champs de l’activité humaine. » (*L’Œil** de l’État.
Moderniser, uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
[Paul Klee]
Infrapolitique : « Il existe tout un domaine que je nomme
infrapolitique parce
qu’il se situe hors de l’éventail visible de ce que l’on considère
habituellement comme de l’activité politique. L’État a de tout temps
contrecarré l’organisation des classes subordonnées, sans parler des
épisodes de contestation publique. Pour les groupes subalternes, ce type
d’activité politique est dangereux. Ceux-ci ont en grande partie compris,
comme les guérillas, que la divisibilité, les petits nombres et la
dispersion les aident à échapper aux représailles. Par infrapolitique,
j’entends les actes tels que le ralentissement délibéré, le braconnage, le
chapardage, la dissimulation, le sabotage, la désertion, l’absentéisme,
l’occupation illégale et la fuite. […] [L]a somme de milliers, et même de
millions, de petits actes peut entraîner des effets majeurs sur la guerre,
le droit à la terre, les impôts et les rapports de propriété. » (*Petit
éloge de l’anarchisme*, Lux, 2013 [2012])
Jumelle : « Chaque domaine de résistance publique à la domination est
suivi de près par l’ombre d’une sœur jumelle infrapolitique qui s’efforce
d’atteindre les mêmes objectifs stratégiques, mais dont la discrétion est
mieux adaptée pour résister à un adversaire qui remporterait probablement
toute confrontation ouverte. » (*La Domination et les arts de la
résistance. Fragments du discours subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019
[1992])
Kolkhoze : « Si le kolkhoze a certes lourdement échoué à générer
d’immenses surplus de denrées alimentaires, il a relativement bien servi
à l’État à déterminer des modes de cultures, fixer les salaires réels dans
les campagnes, s’approprier une large portion de la quantité de céréales
effectivement produites et réduire politiquement les campagnes au silence.
La grande réussite, si l’on peut employer ce terme, de l’État soviétique
dans le secteur agricole fut de s’emparer d’un terrain social et économique
singulièrement défavorable à l’appropriation et au contrôle et de mettre en
place des formes institutionnelles et des pratiques de production mieux
adaptées à la surveillance, à la gestion, à l’appropriation et au contrôle
par en haut. » (*L’Œil** de l’État. Moderniser, uniformiser, détruire*,
La Découverte, 2021 [1998])
Luxemburg : « À l’encontre de la préférence de Lénine pour l’ordre et le
contrôle, [Rosa] Luxemburg juxtaposait le tableau inévitablement
désordonné, tumultueux et vivant de l’action sociale à grande échelle. […]
Lénine procédait comme si le chemin vers le socialisme avait déjà été
balisé en détail et comme si la tâche du parti consistait à employer une
discipline de fer afin que le mouvement révolutionnaire maintienne son cap.
Au contraire, Luxemburg croyait que le futur du socialisme restait à
découvrir et à inventer par le biais d’une réelle collaboration entre les
ouvriers et l’État révolutionnaire. » (*L’Œil de l’État. Moderniser,
uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
Masque : « Plus la disparité est grande entre le pouvoir du dominant et
celui du subordonné et plus ce pouvoir est exercé de manière arbitraire,
plus le texte public joué par le subordonné aura un caractère stéréotypé et
ritualisé. En d’autres termes, plus le pouvoir est menaçant, plus le masque
se fait épais. » (*La Domination et les arts de la résistance. Fragments du
discours subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
Nomadisme : « Loin d’être la matière première originale qui aurait servi
à construire les États et les civilisations, les sociétés des hautes terres
sont pour l’essentiel un produit dérivé du processus de formation de
l’État, conçu pour offrir aussi peu de prise que possible aux logiques
d’appropriation. On considère désormais que le nomadisme pastoral
représente un processus d’adaptation secondaire de la part de populations
qui souhaitaient abandonner l’État agraire tout en tirant avantage des
opportunités commerciales et des possibilités de pillage. Il en va de même
pour la culture sur brûlis : comme le pastoralisme, elle contribue à
disperser les populations et elle est dépourvue de tout centre névralgique —
place que pourrait occuper un État. La nature furtive de ses productions
agricoles déjoue les tentatives d’appropriation. » (*Zomia ou l’art de ne
pas être gouverné. Une histoire anarchiste des hautes terres d’Asie du
Sud-Est*, Seuil, 2013 [2009])
[Paul Klee]
Ordre : « Les relations de domination sont aussi des relations de
résistance. Une fois établie, la domination ne se maintient pas par sa
seule force intrinsèque. Dans la mesure où elle implique le recours au
pouvoir afin d’extraire, contre le gré des dominés, travail, production,
service ou impôts, elle engendre une grande forme de résistance et ne peut
se maintenir que grâce à des efforts continus pour la renforcer, la
préserver et l’ajuster. Une grande partie de ces travaux de maintenance est
ancrée dans le symbolisme de la domination, par le biais de manifestations
et de mises en scène du pouvoir. Chaque manifestation publique et affichée
du pouvoir — chaque ordre, chaque acte de déférence, chaque liste et chaque
classement, chaque disposition cérémoniale, chaque punition publique,
chaque mention d’un terme honorifique ou péjoratif — constitue un geste
symbolique de domination qui à la fois exprime et renforce l’ordre
hiérarchique. » (*La Domination et les arts de la résistance. Fragments du
discours subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
Pouvoir : « Avoir le pouvoir, c’est n’être pas dans l’obligation d’agir,
ou, plus précisément, avoir la capacité de se comporter de manière
négligente ou informelle lors d’une transaction donnée. […] Le dédain
associé à la possession du pouvoir peut bien au sens physique renvoyer à un
moi qui ne serait pas sur ses gardes, alors que la servilité nécessite
presque par définition une observation attentive de l’humeur et des
exigences du détenteur du pouvoir, suivie des réponses appropriées. » (*La
Domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne*,
Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
Quadrillage : « Le capitalisme à grande échelle est tout autant porteur
d’homogénéisation, d’uniformité, de quadrillage et de simplifications
extrêmes que l’État, avec néanmoins une différence : du point de vue des
capitalistes, la simplification doit rapporter. » (*L’Œil de l’État.
Moderniser, uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
Spontanées : « La plupart des révolutions ne sont pas l’œuvre de partis
révolutionnaires, mais bien le précipité d’actions spontanées et
improvisées (l’aventurisme dans le jargon marxiste), […] les mouvements
sociaux organisés sont habituellement le produit, et non la cause, de
protestations et de manifestations non coordonnées et […] les grands acquis
émancipateurs et porteurs de liberté pour l’humanité ne sont pas le fruit
de procédures institutionnelles ordonnées, mais bien d’actions
désordonnées, imprévues et spontanées qui ont fissuré l’ordre social de bas
en haut. » (Petit éloge de l’anarchisme, Lux, 2013 [2012])
Tribu : « La tribu constitue un module de gouvernement. J’entends par là
le fait que désigner des tribus était une technique permettant de classer
et, éventuellement, d’administrer ceux qui n’étaient pas ou pas encore des
paysans. Une fois la tribu désignée comme telle et rapportée à un
territoire, elle pouvait faire office d’unité servant à établir un tribut
en hommes et en marchandises, d’entité à laquelle il était possible
d’assigner un chef officiel […]. Les États et les empires créent des tribus
afin, précisément, de mettre un terme au caractère fluctuant et informe des
relations sociales vernaculaires. […] Leur existence n’a pour seul but que
de mettre un terme administratif aux flottements en tous genres, en
instituant des unités de gouvernance et de négociation. » (*Zomia ou l’art
de ne pas être gouverné. Une histoire anarchiste des hautes terres d’Asie
du Sud-Est*, Seuil, 2013 [2009])
Utilitariste : « Parce qu’elle en était arrivée à percevoir la forêt
comme une marchandise, la foresterie scientifique entreprit de la remodeler
comme une machine produisant cette marchandise. La simplification
utilitariste de la forêt constitua certes une manière efficace de maximiser
la production de bois à court et moyen terme. Toutefois, au bout du compte,
son insistance sur les quantités et les profits comptables, son horizon
temporel relativement court et le vaste ensemble de conséquences qu’elle
avait résolument décidé d’ignorer revinrent la hanter. […] La forêt
simplifiée constitue un système plus vulnérable, en particulier sur le long
terme, car ses effets sur les sols, l’eau et les populations parasites
deviennent manifestement négatifs. » (*L’Œil de l’État. Moderniser,
uniformiser, détruire*, La Découverte, 2021 [1998])
[Paul Klee]
Violence : « Dans un système de domination, il ne s’agit pas seulement de
dissimuler ses sentiments et de produire les gestes attendus à la place. Il
est plutôt souvent question de contrôler l’impulsion naturelle poussant à
la rage, aux insultes, à la colère et à la violence que ces sentiments font
naître. […] Pour tous ceux qui au cours de l’histoire ont connu la
servitude, […] la clé de la survie, de loin pas toujours maîtrisée, a été
de ravaler sa bile, d’étouffer sa rage et de dominer l’impulsion de
violence physique. » (*La Domination et les arts de la résistance.
Fragments du discours subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
W. E. B. DuBois : « Afin de comprendre les fantasmes les plus luxuriants
du texte caché, il faut les considérer non pas isolés mais en tant que
réaction à la domination […]. L’inventivité et l’originalité de ces
fantasmes s’expriment dans la manière dont ils inversent et annulent une
domination particulière. Personne ne perçut ceci avec autant d’acuité que
W. E. B. DuBois, qui écrivit à propos de la double conscience du Noir
américain provenant de la ségrégation raciale : Une telle double vie avec
des pensées, des devoirs et des classes sociales dédoublées doit
nécessairement donner naissance à des paroles et à des idéaux dédoublés ,
et tenter l’esprit vers les faux-semblants ou la révolte, vers l’hypocrisie
ou vers le radicalisme. » (*La Domination et les arts de la résistance.
Fragments du discours subalterne*, Éditions Amsterdam, 2019 [1992])
*XIXe siècle *: « Au moins jusqu’au début du XIXe siècle, les difficultés
de transport, l’état de la technologie militaire, et par-dessus tout les
réalités démographiques, imposaient de sévères limites à l’extension des
États, y compris des plus ambitieux. » (*Zomia ou l’art de ne pas être
gouverné. Une histoire anarchiste des hautes terres d’Asie du Sud-Est*,
Seuil, 2013 [2009])
Yeux : « L’histoire de la propriété est celle de l’incorporation
inexorable au sein d’un régime foncier de ce qui était précédemment perçu
comme des cadeaux de la nature : forêts, gibier, friches, prairies,
minerais souterrains, eau et cours d’eau, droits aériens (concernant
l’espace situé au-dessus de bâtiments ou d’une surface donnée), air
respirable et même séquences génétiques. Dans le cas de terres arables
détenues en commun, l’imposition de la pleine propriété apportait une
clarification non aux habitants de la localité — la structure du droit
coutumier avait toujours été suffisamment claire à leurs yeux —, mais au
percepteur et au spéculateur foncier. Le cadastre apporte aux pouvoirs
publics une mine de renseignements et fournit ainsi la base de la vision en
surplomb de l’État et le fondement d’un marché foncier supralocal. » (L’
*Œ*il de l’État. Moderniser, uniformiser, détruire, La Découverte, 2021
[1998])
Zomia : « Ce qui fait de la Zomia2
https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-james-c-scott/#footnote_1_118443
une
région ne réside donc pas tant dans une unité politique, qui lui fait
cruellement défaut, mais dans des formes comparables de divers types
d’agriculture collinéenne, dans la dispersion et la mobilité, et dans un
égalitarisme brouillon incluant — cela n’est pas accessoire — un statut
relativement plus élevé pour les femmes que dans les vallées. […] Les
populations des collines de la Zomia ont activement résisté à
l’incorporation au sein de la structure de l’État classique, de l’État
colonial et de l’État-nation indépendant. […] La Zomia n’est pas simplement
une région de résistance aux États des vallées : elle est aussi une
zone-refuge. Par refuge, je veux signifier qu’une bonne partie de la
population des collines est venue s’y installer, durant plus d’un
millénaire et demi, afin d’échapper aux diverses souffrances qui
résultaient des projets de construction étatique des vallées. Loin d’être
des laissés-pour-compte du progrès de la civilisation des vallées, ces
populations ont, sur le long terme, choisi de se placer hors de portée de
l’État. » (*Zomia ou l’art de ne pas être gouverné. Une histoire anarchiste
des hautes terres d’Asie du Sud-Est*, Seuil, 2013 [2009])
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Tous les abécédaires sont confectionnés, par nos soins, sur la base des
ouvrages, articles et correspondances des auteur·e·s.
Illustration de bannière : Paul Klee
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[image: image_pdf]
https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-james-c-scott/?print=pdf
J’avais posé ma candidature à la faculté de droit de Harvard et j’avais été
accepté, et sur une sorte d’éclair d’audace, j’ai posé ma candidature pour
une bourse du Rotary pour la Birmanie, et j’ai obtenu la bourse du Rotary
pour la Birmanie. Je me suis dit : Je peux reporter la faculté de droit
de Harvard, je peux toujours aller à la faculté de droit, mais quand
aurai-je l’occasion d’aller en Birmanie ? J’ai donc décidé d’aller en
Birmanie et j’y ai passé un an. Entre-temps — cela ne figure pas dans
beaucoup de mes documents — les gens de la CIA m’ont demandé de rédiger
des rapports sur la politique étudiante birmane et ainsi de suite, ce que
j’ai fait. Ensuite, ils se sont arrangés avec l’Association nationale des
étudiants pour que j’aille à Paris pendant un an et que je sois le
représentant à l’étranger de l’Association nationale des étudiants.
» Interview
menée par Todd Holmes en 2018 dans le cadre du Yale Agrarian Studies Oral
History Project
https://digicoll.lib.berkeley.edu/record/219393/files/scott_james_2020.pdf
.[↩
https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-james-c-scott/#identifier_0_118443
]
Sud-Est continentale, de la Chine, de l’Inde et du Bangladesh s’étend sur
environ 2,5 millions de kilomètres carrés. […] Des calculs approximatifs
estimeraient les populations minoritaires de la Zomia à environ 80 à 100
millions de personnes. Ses populations sont fragmentées en centaines
d’identités ethniques et au moins cinq familles linguistiques qui défient
toute classification simple. »[↩
https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-james-c-scott/#identifier_1_118443
]