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De : Maël Galisson
“C’est l’OQTF qui l’a tué” : Mamadou Garanké, boucher de 21 ans, est mort
en voulant rejoindre l’Angleterre
[image: Mamadou Garanké Diallo était employé dans une boucherie à Darnétal
(Seine-Maritime). Sous le coup d’une OQTF, il est mort en tentant de
quitter la France.]
Écrit par Mathilde Riou
https://france3-regions.franceinfo.fr/redaction/mathilde-riou et Léna
Thobie-Gorce
https://france3-regions.franceinfo.fr/redaction/lena-thobie-gorce
Publié le03/10/2025 à 18h56 Mis à jour le03/10/2025 à 21h40
https://france3-regions.franceinfo.fr/normandie/
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Normandie https://france3-regions.franceinfo.fr/normandie/
*Mamadou Garanké Diallo est mort en septembre 2025. Sous le coup d’une
OQTF, ce jeune boucher de Darnétal près de Rouen, âgé de 21 ans, tentait de
rejoindre l’Angleterre avec d’autres migrants.*
L’annonce de la mort tragique de Mamadou Garanké Diallo a suscité une vague
d’émotion à Darnétal, près de Rouen (Seine-Maritime).
Dans la boucherie où il travaillait depuis 2020, ses patrons ne comprennent
pas la mesure d’OQTF (Obligation de quitter le territoire français) qui
visait ce jeune homme “très sérieux et très bien intégré”.
Mamadou vivait avec une épée de Damoclès depuis son arrivée en France.
Originaire de Guinée Conakry, il était arrivé seul à Rouen à l’âge de 14
ans.
Accompagné par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), Claude
Renard, propriétaire de la boucherie Renard, à Darnétal, veut lui faire
confiance et lui fait signer un contrat d’apprentissage.
Une mobilisation en 2023
Très impliqué dans son travail et apprécié par ses patrons autant que la
clientèle, Mamadou espère un avenir meilleur avec un contrat dans cet
établissement. Mais une décision de la préfecture de Seine-Maritime va
doucher tous ses espoirs.
À la fin de son année scolaire en 2023, il est visé par une mesure d’OQTF
(Obligation de Quitter le Territoire Français) qui met fin à son contrat de
travail. Une mobilisation se met alors en place pour soutenir Mamadou.
*“Il m’appelle Papy, il connaît les enfants, les petits-enfants. C’est un
apprenti de grande valeur. Toujours là, toujours à l’heure. C’est mon bras
droit”, *témoignait en 2023 son patron Claude Renard.
”*Je suis parti de chez moi parce que c’est la misère. C’est très difficile
de trouver à manger,* racontait le jeune apprenti. *J’aime bien rester avec
Papy car depuis le temps, il m’a appris plein de choses. Je préfère rester
ici pour travailler et être comme tout le monde, payer mon loyer, payer mes
impôts.“*
Une pétition est lancée et un courrier signé de la main du maire de Rouen,
Nicolas Mayer Rossignol, et de plusieurs députés est envoyé au préfet de
Seine-Maritime pour l’alerter sur l’incohérence de la situation.
Il obtient alors une carte d’identité consulaire, Mamadou Garanké Diallo
peut alors rester en France et conserve son travail à la boucherie Renard.
Il meurt percuté par un camion
Mais ce soulagement ne dure à peine deux ans puisqu’en juin 2025. Il quitte
brusquement son travail et la France suite à une mesure d’Obligation de
Quitter le Territoire Français (OQTF) prise à son encontre par la
préfecture de la Seine-Maritime.
Cette deuxième expulsion le fait paniquer et quelques semaines plus tard,
il décide d’aller se réfugier en Angleterre.
À partir du 18 septembre 2025, l’association Pour un avenir meilleur, qui
suit Mamadou Garanké Diallo depuis son arrivée à Rouen, reçoit des
témoignages indiquant que le jeune homme serait mort dans un accident
mortel, à Loon-Plage, près de Dunkerque.
Koura, une des ses mamans de cœur, se rend à Dunkerque et identifie le
corps de Mamadou. Elle l’annonce à Lara Lavesque, la deuxième maman de cœur
qui avait accueilli le jeune homme au sein de sa famille pendant 18 mois :
*“il a voulu nous préserver, ne pas nous inquiéter mais on a découvert
qu’il était dans la précarité, dans la peur et dans cet espoir constant
d’avoir un avenir meilleur et dans cette tentative, il a perdu la vie.” *
Cette mère de famille avait convenu avec Mamadou un accueil gracieux pour
qu’il puisse mettre de l’argent de côté pour se payer le permis. Elle
pointe du doigt des incohérences voire des fausses informations dans le
courrier de la préfecture de la Seine-Maritime.
*“Le courrier fait état d’un emploi illégal hors ses deux patrons étaient
très carrés.”* S’ajoute à cela la mention de : “*l’intéressé ne justifie
pas de ressources stables et légales”. *Hors, Mamadou a été en mesure de
présenter toutes ses fiches de paie à la préfecture.
C’est à la suite de ce courrier qu’il prend la décision de fuir la France.
*“C’est l’OQTF qui l’a tué, il avait du travail, j’étais prêt à lui donner
un CDI*”, raconte Frédéric Bécu le nouveau patron de la boucherie. Et
d’ajouter : *“c’était un bon gars, un bout en train tous les clients
pourraient vous le dire”*.
Des clients sous le choc
Depuis l’annonce de cette fin trafique, les clients se rendent à la
boucherie pour faire part de leur émotion.
*“C’était un garçon adorable, qui a beaucoup appris ici. Il était de bonne
volonté, il voulait rester en France. Il s’était très bien adapté. On ne
comprend pas pourquoi on lui refusait le sol français, il ne demandait qu’à
s’intégrer*”, regrette Marie cliente depuis une dizaine d’années.
Une autopsie et une enquête sont en cours, son patron va tout faire pour
que le corps de Mamadou revienne en Guinée.
Catherine Marc, militante dans un collectif en lien avec l’association
« vivre ensemble à Darnétal » qui œuvre sur des projets de solidarité
notamment entre les commerçants de la ville et des jeunes migrants, est
très touchée par ce décès.
*“Je suis très attristée mais surtout très très en colère car ce qui a
fondé cette situation, c’est ce contrôle au faciès où Mamadou n’a pas pu
présenter ses papiers et il est ressorti avec une OQTF.”*
Catherine estime que cette mesure administrative a cassé l’humanité d’un
jeune qui voulait s’en sortir et le projet d’un commerçant local. *“C’est
le non-accueil et ce racisme local qui fait que Mamadou est parti.”*
Un hommage sera rendu le 4 octobre 2025 à Dieppe (Seine-Maritime) pour
toutes les personnes décédées en mer.
Catherine et d’autres personnes de son collectif comptent s’y rendre pour
un dernier adieu à Mamadou *“et tous les autres qu’on n’arrive même pas à
identifier”,* précise la militante.