RELAIS -
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De : Maël Galisson
Migration : la France accepte un accord de retour avec le Royaume-Uni
Paris s’est engagé à reprendre les personnes ayant réussi à traverser la
Manche mais non éligibles au droit d’asile
Cécile Ducourtieuxet Julia Pascual (à Paris)
LONDRES- correspondante
Al’issue de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Royaume-Uni, suivie d’un
sommet France-Royaume-Uni, jeudi 10 juillet, le premier ministre
britannique, Keir Starmer, a confirmé la conclusion d’un accord sur la
migration transManche actant pour la première fois le principe d’un retour
vers l’Hexagone de personnes refoulées du Royaume-Uni après avoir traversé
la Manche en small boats (« petites embarcations »).
Le nombre de personnes concernées devrait s’établir autour de cinquante par
semaine. Un minimum, selon Londres, qui s’engage symétriquement à
accueillir, dans l’autre sens, des personnes dont la nationalité
garantirait presque automatiquement l’asile au Royaume-Uni ou dans le cadre
de regroupements familiaux.
Les cohortes envisagées restent très modestes, rapportées aux
21 000 personnes qui ont traversé le détroit du Pas-de-Calais depuis le
début de l’année (50 % de plus que par rapport à la même période de 2024).
Pour autant, le dirigeant travailliste a qualifié l’accord de
« révolutionnaire ». « Beaucoup de gouvernements ont tenté de le mettre en
œuvre en vain », a affirmé Keir Starmer lors d’une conférence de presse
commune avec Emmanuel Macron, jeudi, depuis Northwood, une base militaire
du nord-ouest de Londres.
Il est vrai que, depuis 2018, quand le phénomène des small boats est apparu
– après le renforcement de la sécurité autour du port de Calais
(Pas-de-Calais) et du tunnel sous la Manche –, la droite britannique
réclamait que Paris accepte le principe de retours des migrants sur son
sol. En parallèle, les Français déploraient qu’il n’existe plus de voie
légale pour demander l’asile au Royaume-Uni. Depuis le Brexit, en 2021,
Londres n’applique plus le règlement de Dublin, qui permettait à quelques
centaines de personnes présentes en Europe de faire valoir des attaches
familiales outre-Manche pour y trouver refuge.
Dans un cadre européen
Pour cet accord « one in, one out » (« une entrée, une sortie »), comme
l’ont baptisé les médias britanniques, Paris et Londres se sont inspirés de
la déclaration entre l’Union européenne (UE) et la Turquie de 2016, au plus
fort de la crise des migrants. Il prévoyait de verser 6 milliards d’euros à
Ankara, en échange de quoi la Turquie devait tenir sa frontière et
reprendre tous les migrants ayant traversé la mer Egée et ayant été
déboutés de leur demande d’asile en Grèce.
Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie, un autre Syrien devait être
réinstallé depuis la Turquie dans l’UE. Très controversé, cet accord a
permis, temporairement, de freiner les arrivées. Mais Ankara ne reprend
plus aucun migrant depuis 2020 et les réinstallations de Syriens n’ont
jamais atteint les objectifs de départ.
Le ministère de l’intérieur britannique (Home Office) espère que le plan
franco-britannique sera mis en place dans les semaines qui viennent.
Emmanuel Macron a précisé qu’il doit encore être soumis à vérification
juridique, y compris de la Commission européenne. Signe que Paris veut
replacer ces négociations dans un cadre européen (à défaut d’avoir obtenu
un accord UE-Royaume-Uni), le ministère de l’intérieur a annoncé que
26 gardes-côtes de l’agence Frontex seront déployés dès juillet sur le
littoral.
Concernant les retours vers la France, ne seront concernés que les adultes
arrivés en small boats ; ils seront placés dans des centres de rétention et
informés qu’ils ne sont pas admissibles au Royaume-Uni au motif qu’ils
viennent d’un pays dit « sûr » et qu’ils sont arrivés de manière illégale.
Une fois renvoyées dans l’Hexagone, ils seront à nouveau refoulés s’ils
tentent encore la traversée.
Symétriquement, des personnes présentes en France de nationalités obtenant
presque automatiquement l’asile au Royaume-Uni (Afghanistan, Syrie, etc.)
devraient pouvoir formuler une demande en ligne, par le biais d’un système
développé par le Home Office. Seront aussi considérés des cas de
regroupements familiaux.
Paris a longtemps reproché à Londres de ne pas lutter suffisamment contre
le travail illégal et de refuser d’imposer une carte d’identité à tous ses
citoyens, un moyen d’identifier plus rapidement les personnes sans droit au
séjour. Si la France n’a obtenu aucune garantie en ce sens, le gouvernement
Starmer a néanmoins rappelé que, depuis son entrée en fonction il y a un
an, les opérations de vérifications contre le travail illégal ont augmenté
de 50 %.
Schéma « pragmatique »
Le président Macron a dénoncé les « mensonges » du Brexit qui, au lieu de
limiter la migration vers le Royaume-Uni, aurait agi comme « un facteur
attractif » – le règlement de Dublin ne s’appliquant plus dans le pays, les
demandeurs d’asile enregistrés dans un pays de l’UE ne risquaient pas d’y
être renvoyés. Il a cependant admis que Français et Britanniques n’ont « pas
d’autre choix que de travailler ensemble ». Et qualifié le schéma d’échange
de « pragmatique ».
Sans qu’aucun montant ne soit dévoilé, le Royaume-Uni s’est engagé à
finaliser « le plus rapidement possible » un nouveau cycle de financement
(2026-2029) en vertu du traité de Sandhurst de 2018, selon lequel Londres a
déjà versé 760 millions d’euros à la France pour sécuriser sa frontière.
Une nouvelle doctrine d’intervention des forces de l’ordre en mer pour
empêcher les traversées doit être déployée prochainement.
Alors que le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR)
saluait, jeudi, le projet pilote, les associations qui viennent en aide aux
migrants à la frontière franco-britannique étaient peu enthousiastes. « C’est
absurde et profondément dangereux, considère Michael Neuman, de Médecins
sans frontières. Ce protocole d’échange réplique ce qu’on a connu avec
l’accord UE-Turquie et ses résultats peu convaincants. Il s’inscrit dans
une logique de fermeture des frontières qui crée les conditions de
l’inflation des trafics. »
Les traversées de la Manche empoisonnent la relation franco-britannique, et
l’accord annoncé jeudi est difficile pour Paris et Londres : la droite et
l’extrême droite britanniques se sont empressées, jeudi, de le condamner.
Mais les deux dirigeants sont résolus à tirer un trait sur les tensions
nées du Brexit. C’était tout l’objet de cette visite d’Etat : mettre en
scène une réconciliation.