Fwd: [Jungles] Sur les plages de la mer du Nord, des objets abandonnés racontent des vies de migrants [AFP/France 24, 29.03.2025]

miladyrenoirmiladyrenoir
2025-4-14 17:20

objets plutôt que sujets, la mémoire ne choisit pas son canal de diffusion.

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De : Maël Galisson

https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250329-sur-les-plages-de-la-mer-du-nord-des-objets-abandonn%C3%A9s-racontent-des-vies-de-migrants

Sur les plages de la mer du Nord, des objets abandonnés racontent des vies

de migrants

*Gravelines (France) (AFP) – Ethiopie, Soudan, Libye, Italie, France et,

enfin, Royaume-Uni: une feuille rongée par le sable et l’eau trouvée sur la

plage de Gravelines (Nord), dresse l’itinéraire, à travers deux continents

et des milliers de kilomètres, d’une personne migrante en quête

d’Angleterre. *

Publié le : 29/03/2025 - 15:51Modifié le : 29/03/2025 - 15:47

6 min

[image: Le “beachcomber” belge Aäron Fabrice de Kisangani regarde un carnet

abandonné par des migrants sur la plage de Gravelines, le 26 mars 2025 dans

le Nord] Le “beachcomber” belge Aäron Fabrice de Kisangani regarde un

carnet abandonné par des migrants sur la plage de Gravelines, le 26 mars

2025 dans le Nord © Sameer Al-DOUMY / AFP

Lorsqu’elle est repérée par Aäron Fabrice de Kisangani, un Belge flamand de

27 ans, la feuille est en grande partie enfouie dans le sable, encore

trempée et attaquée par de petits “talitres”, des crustacés de quelques

millimètres qui grignotent les objets abandonnés sur les plages.

Avec une grande précaution, ce ratisseur de plage ou “beachcomber”, qui

consacre son temps libre à la quête de trouvailles en tous genres, extrait

la feuille du sable et la déplie, puis en retire un talitre.

Lors de chaque départ d’embarcation clandestine vers l’Angleterre, des

candidats à l’exil laissent des affaires sur la plage, par précipitation ou

besoin de s’alléger.

[image: Le “beachcomber” belge Aäron Fabrice de Kisangani, regarde une

feuille dressant un itinéraire abandonnée par des migrants sur la plage de

Gravelines, dans le nord de la France, le 26 mars 2025] Le “beachcomber”

belge Aäron Fabrice de Kisangani, regarde une feuille dressant un

itinéraire abandonnée par des migrants sur la plage de Gravelines, dans le

nord de la France, le 26 mars 2025 © Sameer Al-DOUMY / AFP

Chaussures, vêtements, sacs et documents se retrouvent éparpillés sur les

plages du littoral du nord de la France, aux côtés d’affaires abandonnées

par pêcheurs et promeneurs, et d’objets parfois insolites recrachés par la

mer.

“Beachcomber” depuis 20 ans, Aäron Fabrice de Kisangani collectionne des

graines de plantes tropicales ou encore des dents de requin, et s’intéresse

depuis un an aux objets laissés par les exilés.

“J’en trouvais tout le temps mais je ne les prenais pas, et j’ai commencé à

me demander pourquoi”, explique-t-il à l’AFP. A défaut d’être ramassés,

“ils sont perdus”, souligne-t-il.

“Désert”

Cette feuille extraite du sable semble retracer le parcours migratoire

d’une Ethiopienne nommée Rose I., à en croire le nom inscrit en haut du

papier.

[image: Le “beachcomber” belge Aäron Fabrice de Kisangani examine des

billets d’avion et de train abandonnés par les migrants sur la plage de

Gravelines, dans le nord de la France, le 26 mars 2025] Le “beachcomber”

belge Aäron Fabrice de Kisangani examine des billets d’avion et de train

abandonnés par les migrants sur la plage de Gravelines, dans le nord de la

France, le 26 mars 2025 © Sameer Al-DOUMY / AFP

On y voit, reliés par des flèches, des noms de villes, temps de trajet,

moyens de transport. Tel qu’esquissé, le périple commence à “A.A.”, soit

Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie.

Huit cent cinquante kilomètres et 17 heures de voiture plus tard, la voici

à Métemma, à la frontière avec le Soudan.

[image: Le “beachcomber” belge Aäron Fabrice de Kisangani, cherche des

objets et documents abandonnés par des migrants sur la plage de Gravelines,

dans le nord de la France, le 26 mars 2025] Le “beachcomber” belge Aäron

Fabrice de Kisangani, cherche des objets et documents abandonnés par des

migrants sur la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 26 mars

2025 © Sameer Al-DOUMY / AFP

“Dix minutes de marche” doivent suffire pour atteindre Gallabat, de l’autre

côté de la frontière, espère l’auteur ou l’autrice du document.

Après Khartoum, capitale du Soudan, un mot résume l’ampleur de la tâche:

“Désert”. Des milliers de kilomètres à travers le Sahara jusqu’à Tripoli,

en Libye, d’où suivent une traversée en bateau jusqu’à l’Italie puis un

trajet en train jusqu’à la France. Enfin, la dernière flèche indique

l’objectif, rêvé dès l’Ethiopie: “UK”, le Royaume-Uni.

[image: Le “beachcomber” belge Aäron Fabrice de Kisangani range dans un sac

en plastique des documents abandonnés par les migrants sur la plage de

Gravelines, dans le nord de la France, le 26 mars 2025] Le “beachcomber”

belge Aäron Fabrice de Kisangani range dans un sac en plastique des

documents abandonnés par les migrants sur la plage de Gravelines, dans le

nord de la France, le 26 mars 2025 © Sameer Al-DOUMY / AFP

L’histoire ne dit pas si Rose a suivi son itinéraire à la lettre, ni si

elle a réussi à gagner l’Angleterre.

En une matinée de recherches, Aäron Fabrice de Kisangani trouve plusieurs

autres fragments de vies d’exilés: la convocation en vue de son expulsion,

le 18 mars, d’un Albanais placé en rétention administrative ; des billets

utilisés pour rallier Bucarest au littoral en quelques heures, par avion

jusqu’à Roissy puis en train de Paris à Dunkerque.

“mieux comprendre”

Ces objets qui racontent “l’histoire des réfugiés”, pourraient permettre de

leur “redonner leur humanité” espère Aäron Fabrice de Kisangani, qui ne

sait pas encore précisément sous quelle forme exploiter cette collection.

[image: Des objets abandonnés par les migrants après avoir été nettoyés et

triés par le “beachcomber” Aäron Fabrice de Kisangani, à Oostduinkerke, à

l’ouest de la Belgique, le 26 mars 2025] Des objets abandonnés par les

migrants après avoir été nettoyés et triés par le “beachcomber” Aäron

Fabrice de Kisangani, à Oostduinkerke, à l’ouest de la Belgique, le 26 mars

2025 © Sameer Al-DOUMY / AFP

“Je veux montrer le problème sous un autre angle, en tant que

+beachcomber+.”

Lui-même, depuis qu’il récupère ces objets, a “beaucoup appris sur la

manière dont les réfugiés voyagent et à quelle vitesse, leurs nationalités

(…) Je fais des recherches sur ce qui arrive dans leurs pays, et ça me

permet de mieux comprendre le problème et la raison de leur départ vers le

Royaume-Uni.”

Alors qu’il marche sur le sable en direction de sa voiture, une poignée de

vies humaines se jouent à l’autre bout de la plage.

Une trentaine de migrants sortent des dunes et courent vers un bateau déjà

à l’eau. Repoussés par la police, ils retentent leur chance, quelques

minutes plus tard.

[image: Des migrants montent à bord d’un bateau de passeurs pour tenter de

traverser la Manche, au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la

France, le 26 mars 2025] Des migrants montent à bord d’un bateau de

passeurs pour tenter de traverser la Manche, au large de la plage de

Gravelines, dans le nord de la France, le 26 mars 2025 © Sameer Al-DOUMY /

AFP

Cette fois-ci, une grande majorité parviennent à monter à bord. Un enfant

pleure.

Trois membres d’une même famille échouent, dont l’un, un trentenaire,

implore sans succès sa mère, montée sur le bateau, d’en descendre.

Des scènes qu’aucun document laissé sur les plages ne peut raconter.