Centre Presse Aveyron
samedi 21 décembre 2024
Yanick Philipponnat
Les canots gonflables vendus aux migrants 10 000 euros passaient par Sète
*La coopération franco-allemande a permis le démantèlement d’un réseau
international qui, depuis la Turquie, puis le port de Sète, acheminait des
“small boats” pour traverser la Manche. *
Un vaste réseau criminel qui exploitait la misère des candidats à l’exil,
prêts à tout pour franchir la Manche, a été démantelé, début décembre, par
les forces de l’ordre franco-allemandes et notamment par l’Office central
de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) et son antenne
héraultaise. Car le port de Sète a joué un rôle essentiel dans cette
affaire. Ce trafic international de passeurs, mené par des ressortissants
irakiens et syriens d’origine kurde, permettait à des milliers de réfugiés
de rejoindre l’Angleterre en leur faisant payer à prix d’or des canots
d’embarcation gonflables. Ces small boats , sorte de kits de traversée
précaires, sont au cœur de ce dossier. Au départ, en mai dernier, l’Oltim
central a bénéficié d’un renseignement faisant état de l’arrivée, dans le
port de Sète, de matériel nautique. Soit 13 canots pneumatiques en
provenance de Turquie, arrivant par bateau depuis la ligne entre Izmir et
le port héraultais et qui devaient être livrés dans un entrepôt en
Allemagne. Ils permettaient ensuite les traversées clandestines de la
Manche. La coopération internationale s’est alors mise en marche, sous la
houlette d’Europol (Agence européenne de police criminelle) et d’Eurojust
(Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne) avec les autorités
allemandes.
« Un réseau de crime organisé » Les unités Oltim, du siège à Paris, mais
aussi de Marseille, Montpellier et Perpignan, ou encore les douaniers, ont
été mobilisées pour des surveillances jusqu’aux lieux de stockage
outre-Rhin. En sept mois, une trentaine de livraisons avec une cinquantaine
de moteurs et 350 bateaux ont été comptabilisées. Il a aussi été établi que
depuis l’Allemagne, des chauffeurs, originaires d’Ouzbékistan et du
Tadjikistan, dans des voitures particulières, acheminaient les fameux small
boats au bord de la mer, dans le Nord de l’Hexagone. « C’est vraiment un
travail contre un réseau qui a le process du crime organisé : il part de
Turquie avec le commanditaire, les petits canots gonflables sont amenés à
Sète, dont le port demeure un endroit sensible de par les lignes opérées.
Puis ils partent en Allemagne pour être conditionnés avant d’être
réacheminés vers les plages de la Manche », résume le commissaire
divisionnaire Olivier Harguindeguy, chef du Sipaf 34 (Service
interdépartemental de la police aux frontières de l’Hérault) qui commande
l’Oltim 34. L’Office de lutte contre le trafic de migrants du Pas-de-Calais
a identifié une trentaine de chauffeurs : la plupart ont été interpellés,
les autres font l’objet de mandats d’arrêt européens. Le samedi 14
décembre, l’Oltim 34 a encore arrêté un chauffeur turc à Sète qui venait de
prendre possession de matériel. Par ailleurs, une dizaine de Kurdes qui
s’occupaient du stockage ont été identifiés et, surtout, huit organisateurs
du réseau ont été arrêtés en Allemagne et deux autres aux Pays-Bas.
L’enquête a montré le business occasionné par ce trafic. Les bateaux de
fortune, sur lesquels se massaient plusieurs migrants, étaient revendus
entre 10 000 euros et 12 500 euros et ils auraient généré un bénéfice net
entre 2,5 M euros et 4 M euros… Plusieurs dizaines de milliers d’euros
ont été saisis lors des perquisitions. Mais aussi de l’or et des moteurs.
Ces bateaux auraient fait passer 10 000 réfugiés de la France vers
l’Angleterre Sur les 32 000 personnes qui ont réussi à traverser la Manche
vers le Royaume-Uni en 2024, selon les autorités britanniques, « le réseau
a permis d’en faire passer un tiers, 10 000 personnes », avance une source
proche de l’enquête. Cette traversée vers l’Angleterre, beaucoup plus
courte que celles en Méditerranée, n’en reste pas moins très dangereuse.
Près de 80 morts ont été comptabilisés depuis début 2024, soit l’année la
plus meurtrière depuis que sont apparus les small boats , au courant de
l’année 2018.
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