Les canots gonflables vendus aux migrants 10 000 euros passaient par Sète [Centre presse Aveyron, 21.12.2024]

miladyrenoirmiladyrenoir
2025-1-18 13:30

https://www.centrepresseaveyron.fr/2024/12/22/les-canots-gonflables-vendus-aux-migrants-10-000-eur-pour-traverser-la-manche-passaient-par-sete-12408022.php

Centre Presse Aveyron

samedi 21 décembre 2024

Yanick Philipponnat

Les canots gonflables vendus aux migrants 10 000 euros passaient par Sète

*La coopération franco-allemande a permis le démantèlement d’un réseau

international qui, depuis la Turquie, puis le port de Sète, acheminait des

“small boats” pour traverser la Manche. *

Un vaste réseau criminel qui exploitait la misère des candidats à l’exil,

prêts à tout pour franchir la Manche, a été démantelé, début décembre, par

les forces de l’ordre franco-allemandes et notamment par l’Office central

de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) et son antenne

héraultaise. Car le port de Sète a joué un rôle essentiel dans cette

affaire. Ce trafic international de passeurs, mené par des ressortissants

irakiens et syriens d’origine kurde, permettait à des milliers de réfugiés

de rejoindre l’Angleterre en leur faisant payer à prix d’or des canots

d’embarcation gonflables. Ces small boats , sorte de kits de traversée

précaires, sont au cœur de ce dossier. Au départ, en mai dernier, l’Oltim

central a bénéficié d’un renseignement faisant état de l’arrivée, dans le

port de Sète, de matériel nautique. Soit 13 canots pneumatiques en

provenance de Turquie, arrivant par bateau depuis la ligne entre Izmir et

le port héraultais et qui devaient être livrés dans un entrepôt en

Allemagne. Ils permettaient ensuite les traversées clandestines de la

Manche. La coopération internationale s’est alors mise en marche, sous la

houlette d’Europol (Agence européenne de police criminelle) et d’Eurojust

(Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne) avec les autorités

allemandes.

« Un réseau de crime organisé » Les unités Oltim, du siège à Paris, mais

aussi de Marseille, Montpellier et Perpignan, ou encore les douaniers, ont

été mobilisées pour des surveillances jusqu’aux lieux de stockage

outre-Rhin. En sept mois, une trentaine de livraisons avec une cinquantaine

de moteurs et 350 bateaux ont été comptabilisées. Il a aussi été établi que

depuis l’Allemagne, des chauffeurs, originaires d’Ouzbékistan et du

Tadjikistan, dans des voitures particulières, acheminaient les fameux small

boats au bord de la mer, dans le Nord de l’Hexagone. « C’est vraiment un

travail contre un réseau qui a le process du crime organisé : il part de

Turquie avec le commanditaire, les petits canots gonflables sont amenés à

Sète, dont le port demeure un endroit sensible de par les lignes opérées.

Puis ils partent en Allemagne pour être conditionnés avant d’être

réacheminés vers les plages de la Manche », résume le commissaire

divisionnaire Olivier Harguindeguy, chef du Sipaf 34 (Service

interdépartemental de la police aux frontières de l’Hérault) qui commande

l’Oltim 34. L’Office de lutte contre le trafic de migrants du Pas-de-Calais

a identifié une trentaine de chauffeurs : la plupart ont été interpellés,

les autres font l’objet de mandats d’arrêt européens. Le samedi 14

décembre, l’Oltim 34 a encore arrêté un chauffeur turc à Sète qui venait de

prendre possession de matériel. Par ailleurs, une dizaine de Kurdes qui

s’occupaient du stockage ont été identifiés et, surtout, huit organisateurs

du réseau ont été arrêtés en Allemagne et deux autres aux Pays-Bas.

L’enquête a montré le business occasionné par ce trafic. Les bateaux de

fortune, sur lesquels se massaient plusieurs migrants, étaient revendus

entre 10 000 euros et 12 500 euros et ils auraient généré un bénéfice net

entre 2,5 M euros et 4 M euros… Plusieurs dizaines de milliers d’euros

ont été saisis lors des perquisitions. Mais aussi de l’or et des moteurs.

Ces bateaux auraient fait passer 10 000 réfugiés de la France vers

l’Angleterre Sur les 32 000 personnes qui ont réussi à traverser la Manche

vers le Royaume-Uni en 2024, selon les autorités britanniques, « le réseau

a permis d’en faire passer un tiers, 10 000 personnes », avance une source

proche de l’enquête. Cette traversée vers l’Angleterre, beaucoup plus

courte que celles en Méditerranée, n’en reste pas moins très dangereuse.

Près de 80 morts ont été comptabilisés depuis début 2024, soit l’année la

plus meurtrière depuis que sont apparus les small boats , au courant de

l’année 2018.

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