Proche-Moyen-Extrème Orient - Quelle carte pour quelle idéologie?

miladyrenoirmiladyrenoir
2024-12-16 18:33

visionscarto https://visionscarto.net/MENU

https://www.visionscarto.net/sitemap« Partager » le Moyen-Orient :

projet ou fantasme ?

#Moyen-Orient https://www.visionscarto.net/tag/moyen-orient #Proche-Orient

https://www.visionscarto.net/tag/proche-orient #Golfe

https://www.visionscarto.net/tag/golfe #Pays_du_golfe

https://www.visionscarto.net/tag/pays_du_golfe #États_unis

https://www.visionscarto.net/tag/%C3%A9tats_unis #Cartographie

https://www.visionscarto.net/tag/cartographie #Géopolitique

https://www.visionscarto.net/tag/g%C3%A9opolitique

24 NOVEMBRE 2024

Les deux cartes publiées par Ralph Peters dans l’Armed Forces Journal

http://armedforcesjournal.com/blood-borders/ ne sont pas nouvelles

puisqu’elles datent de 2006. Elles n’en continuent pas moins d’appuyer un

discours que l’on peut qualifier de conspirationniste, et il importe, face

à cela, de continuer à le déconstruire pour ne pas lui laisser le champ

libre.

*par Vincent Capdepuy*Docteur en géographie, professeur d’histoire et

géographie (académie de La Réunion).Auteur notamment de *Chroniques du bord

du monde : histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie* (Payot, 2021)

et Le Monde ou rien : histoire d’un concept géographique (PUL, 2023).

En mars 2023, Jean-Michel Morel publiait sur le site en ligne Orient XXI un

article intitulé « Le cauchemar du “Nouveau Moyen-Orient

https://orientxxi.info/magazine/le-cauchemar-du-nouveau-moyen-orient,6322

[1 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb1] ».

L’auteur écrivait notamment :

*De façon à préparer ce qui devait être un bouleversement cataclysmique

revendiqué et assumé, l’administration nord-américaine se dota d’une carte

concoctée par Ralph Peters, un lieutenant-colonel à la retraite. Publiée

dans* l’Armed Force Journal *en juin 2006 et légendée sans ambiguïté *“Des

frontières de sang : à quoi ressemblerait un meilleur Moyen-Orient”, *ce

document stratégique remettait en cause les accords Sykes-Picot de 1916 et

effaçait la ligne Durand tracée en 1893 par les Britanniques pour séparer

l’Afghanistan du Pakistan.*

La carte d’« Après » révélerait le plan du gouvernement états-unien en

2006, c’est-à-dire sous la présidence de George W. Bush (2001-2009). Le

problème est que rien ne permet d’établir une telle équivalence et

d’effacer le fait que ces cartes ont un auteur dont le positionnement doit

être cerné, que ces cartes ne peuvent pas être utilisées en faisant

abstraction de l’article qu’elles accompagnent, que leur sens ne s’impose

pas de lui-même.

Il faut également dire combien il est délicat de déconstruire un point de

vue critique sur l’invasion états-unienne de l’Irak en 2003, car cela

pourrait facilement paraître à rebours comme une justification de

celle-ci : et bien entendu, ce n’est pas l’objet de cet article. La seule

question qui compte ici porte sur l’importance qu’on doit accorder à ces

cartes par rapport à la guerre en Irak et à la politique des États-Unis au

Moyen-Orient au cours de cette décennie marquée par les attentats du

11 septembre 2001. Pour le dire autrement, peut-on considérer que ces

cartes nous révèlent un « plan caché » ?

Les cartes de Ralph Peters

[image: JPEG - 350.4 kio]

[image: JPEG - 398.9 kio]

Cartes illustrant l’article de Ralph Peters « Frontières de sang » (*Blood

borders*)

Armed Forces Journal, juin 2006.

Cartographie : Chris Broz.

Les cartes publiées en 2006 dans l’Armed Forces Journal [2

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb2] sont

extraites d’un article intitulé « Les frontières de sang ». Ralph Peters

était alors un lieutenant-colonel à la retraite et un intervenant régulier

sur Fox News. Strictement rien ne permet de considérer qu’il exprimait une

quelconque vision officielle du gouvernement états-unien et, pour

comprendre le sens de ces cartes, il importe d’abord de lire ce qu’il écrit

dans l’article dont elles étaient l’illustration.

Ralph Peters, né en 1952 à Pottsville, Pennsylvanie, est un ancien

lieutenant-colonel de l’armée états-unienne, écrivain et analyste

militaire. Après une carrière de 22 ans dans le renseignement militaire, il

a pris sa retraite en 1998. Auteur prolifique, il a écrit des romans

historiques sur la guerre de Sécession et des ouvrages d’analyse

stratégique, dont Endless War et Looking for Trouble. Connu pour ses

prises de position tranchées, exprimées dans différents journaux, il a été

commentateur sur Fox News avant de quitter la chaîne en 2018, dénonçant une

dérive idéologique.

Ralph Peters part d’une idée assez simple : il fait le constat que le

Moyen-Orient est une mosaïque de peuples que ne traduisent pas les

découpages actuels. Il propose donc de nouvelles délimitations fondées sur

les aspirations nationales, ce qu’il appelle les « frontières de sang ». Il

le sait, ceci ne saurait être parfait.

*Les frontières projetées dans les cartes qui accompagnent cet article

réparent les torts subis par les groupes de population « lésés » les plus

importants, tels les Kurdes, les Baloutches et les Arabes chiites, mais ne

tiennent toujours pas compte de manière adéquate des chrétiens du

Moyen-Orient, des bahaïs, des ismaéliens, des naqshbandis et de nombreuses

autres minorités numériquement moins importantes.*

Il espère ainsi proposer une solution permettant d’éviter de nouvelles

guerres :

*Si l’on admet que la diplomatie internationale n’a jamais développé

d’outils efficaces – à l’exception de la guerre – pour réajuster des

frontières défectueuses, un effort mental pour appréhender les frontières

“organiques” du Moyen-Orient nous aide néanmoins à comprendre l’ampleur des

difficultés auxquelles nous sommes confrontés et continuerons de l’être.

Nous avons affaire à des malformations colossales, créées par l’homme, qui

ne cesseront d’engendrer haine et violence tant qu’elles n’auront pas été

corrigées.*

Sa proposition s’inscrit dans la continuité de ce qui s’est passé en

ex-Yougoslavie au cours de la décennie précédente ; il fait explicitement

allusion au Kosovo. Selon lui, le redécoupage des frontières qui a été

opéré dans cette région, non sans guerres, pourrait servir de modèle à ce

qu’il conviendrait de faire au Moyen-Orient.

Que propose-t-il ?

Ralph Peters reprend l’idée que l’unité de l’Irak serait artificielle ; il

qualifie le pays de « monstre de Frankenstein ». La conquête états-unienne

de 2003 serait, selon lui, une occasion ratée de démembrer l’Irak au profit

de trois petits États, ce qui aurait permis de donner satisfaction aux

Kurdes d’un côté et aux Arabes chiites de l’autre. Ralph Peters n’était pas

le premier à envisager la partition de l’Irak. Mais l’idée, initialement,

n’avait pas été portée par l’administration Bush. Au contraire. C’est

Leslie H. Gelb qui publia en novembre 2003 une tribune dans *The New York

Times* en faveur d’une solution à trois États. Lui aussi s’appuyait sur

l’expérience de l’ex-Yougoslavie et critiquait l’entêtement du pouvoir

états-unien à soutenir un État qu’il considérait comme artificiel. *« La

leçon est évidente*, écrivait Leslie H. Gelb * : la force écrasante était

la meilleure chance de maintenir la Yougoslavie entière, et pourtant cela

n’a pas fonctionné en fin de compte. Entre-temps, le coût de la prévention

de l’émergence des États naturels a été terrible. [3

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb3] ».*

Peter W. Galbraith, démocrate, ancien ambassadeur en Croatie entre 1993 et

1998, publia à son tour un article dans le Time en novembre 2006. La

solution de sortie pour les États-Unis dans une situation conflictuelle qui

dure alors depuis plus de trois ans, lui paraît simple. *« Alors que les

Américains cherchent des réponses, il existe une alternative évidente :

diviser l’Irak en États kurde, sunnite et chiite distincts [4

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb4] ».* En

septembre 2007, le plan d’un système fédéral décentralisé pour l’Irak fut

présenté au Sénat par Joe Biden et voté à une large majorité. Cela devait

être une réponse à l’échec de la politique du président Bush.

Autre proposition : Ralph Peters affirme qu’Israël devrait revenir aux

frontières « pré-1967 ». En cela, il ne fait que reprendre la résolution

242 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 22 novembre 1967

affirmant que l’instauration d’une paix durable dans la région implique le «

retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du

récent conflit » (dans sa version française ; « *from territories occupied

in the recent conflict* » dans sa version anglaise, qui sert de facto de

référence). L’interprétation de la résolution 242 est restée un point

d’achoppement depuis plus de cinquante ans, même si le texte a servi de

référence aux négociations entreprises depuis la fin des années 1970. En

2002, le Conseil de sécurité avait voté une nouvelle résolution, 1397,

rappelant notamment la résolution 242 et affirmant « la vision d’une région

dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à

l’intérieur de frontières reconnues et sûres ». Les États-Unis ont voté

pour.

Enfin, Ralph Peters propose de découper l’Arabie Saoudite, de réduire son

territoire autour de Riyad, et surtout d’internationaliser les villes de La

Mecque et de Médine en les confiant à un conseil tournant représentatif des

principales écoles et mouvements musulmans du monde, autrement dit d’en

faire « un État sacré islamique », « une sorte de super-Vatican musulman ».

Est-il nécessaire de rappeler l’alliance qui unit les États-Unis et

l’Arabie Saoudite pour comprendre à quel point l’article de Ralph Peters ne

peut pas être considéré comme l’expression d’un plan secret visant à

redécouper tout le Moyen-Orient ?

Pourtant, la carte a pu susciter quelques craintes. Une dépêche de

l’ambassade états-unienne au Secrétaire d’État à Washington en septembre

2006, connue par Wikileaks, révèle l’inquiétude du secrétaire général aux

affaires américaines turc, Murat Esenli. Il a appelé l’ambassade d’Ankara

deux fois en six semaines. La première fois, début août, la carte publiée

par l’Armed Forces Journal avait été reprise par deux journaux turcs,

Cumhuriyet et Vatan, ce qui avait provoqué la publication d’un démenti

officiel à propos de toute affiliation de Ralph Peters avec l’United States

Government (USG). L’auteur n’exprimait que sa propre opinion. La seconde

fois, fin septembre, la carte avait été montrée par un colonel lors d’une

formation au Collège de défense de l’OTAN à Rome, ce qui avait provoqué la

protestation d’un officier turc présent. Encore une fois, la réponse était

sans ambiguïté : cette carte n’engageait que son auteur, non les autorités

états-uniennes.

L’article de Jean-Michel Morel ne rend compte de rien de tout cela. Au

contraire, cette carte révélerait le plan élaboré par le gouvernement des

États-Unis : *« De façon à préparer ce qui devait être un bouleversement

cataclysmique revendiqué et assumé, l’administration nord-américaine se

dota d’une carte concoctée par Ralph Peters »*. Pourtant, rien ne peut

étayer une telle affirmation. Cette carte n’est pas le plan secret pour

démembrer l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran. Une telle interprétation

correspond à une vision conspirationniste des relations internationales que

la seule critique de la politique des États-Unis ne peut suffire à

justifier. Cependant, si l’article de Ralph Peters suscite cette lecture,

c’est qu’il s’inscrit dans une crainte plus large.

Les États-Unis et le « Grand Moyen-Orient »

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement des États-Unis

est entré dans une « guerre contre le terrorisme » (war on terror) qui

l’a conduit assez rapidement à l’invasion de l’Afghanistan à partir du

7 octobre 2001. C’est l’opération Enduring Freedom, « Liberté immuable ».

Pour cela, les États-Unis ont obtenu l’appui de leurs alliés de l’OTAN, du

Pakistan et du Secrétaire général de l’ONU. Le gouvernement des talibans,

qui avait refusé de livrer les dirigeants d’al-Qaïda, fuit Kaboul le mois

suivant. Mais Oussama ben Laden échappe aux forces états-uniennes.

Parallèlement à la poursuite des combats dans les montagnes afghanes, un

nouvel État est mis en place sous l’égide des États-Unis : Hamid Karzaï est

élu en juin 2002 pour présider la transition vers un régime démocratique et

une nouvelle Constitution est adoptée en janvier 2004.

Entretemps, les États-Unis ont envahi l’Irak. Les raisons invoquées par le

gouvernement de George W. Bush – la lutte contre les djihadistes et la

recherche d’armes de destruction massive –, ne convainquent pas la

communauté internationale ; et pour cause : ces raisons sont fausses.

Qu’importe, le 20 mars 2003, l’armée états-unienne attaque l’Irak et, en

quelques semaines, balaie les troupes de Saddam Hussein, qui a fui et tente

de se cacher. Le 1er mai 2003, les activités militaires sont officiellement

terminées. C’est le début d’une longue guerre civile mêlée d’insurrection à

l’encontre des États-Unis, notamment dans l’Anbar, la province occidentale

de l’Irak.

[image: JPEG - 2.2 Mio]

Géopolitique du chaos ou le « Grand Moyen-Orient. »

Cartographie : Philippe Rekacewicz, visionscarto.net, 2012.

Mais l’invasion de l’Irak s’est inscrite dans un cadre politique plus vaste

qui a reçu, de façon formelle ou informelle, plusieurs appellations

successives de la part des autorités états-uniennes. Le 12 décembre 2002,

le secrétaire d’État Colin L Powell a présenté l’« Initiative de

partenariat avec le Moyen-Orient », Middle-East Partnership Initiative (

MEPI). Alors qu’une feuille de route exposait le projet, qui consistait à

débourser un milliard de dollars par an pour soutenir des programmes

économiques, politiques et éducatifs dans le monde arabe [5

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb5],

Colin L. Powell intervenait au think tank conservateur *The Heritage

Foundation* pour expliquer les objectifs de cette « initiative ». Il en

reprenait le motus : *« Construire un pays où la liberté, les

opportunités, la prospérité et la société civile s’épanouissent [6

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb6] »*.

Sur le plan géopolitique, il mit en avant deux points importants : désarmer

l’Irak et conduire à son terme le processus de paix israélo-palestinien.

Mais l’idée s’apparentait davantage à une sorte de Plan Marshall.

En juillet de la même année était paru le premier *Rapport arabe sur le

développement humain*. Les auteurs constataient un déficit de démocratie et

des aspirations à la liberté et à la démocratie :

*Les pays arabes enregistrent un retard par rapport aux autres régions en

matière de gouvernance et de participation aux processus de décision. La

vague de démocratisation, qui a transformé la gouvernance dans la plupart

des pays d’Amérique latine et d’Asie orientale dans les années

quatre-vingt, en Europe centrale, et dans une bonne partie de l’Asie

centrale à la fin des années quatre-vingt et au début des années

quatre-vingt-dix, a à peine effleuré les États arabes. Ce déficit de

liberté va à l’encontre du développement humain et constitue l’une des

manifestations les plus douloureuses du retard enregistré en termes de

développement politique* [7

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb7].

Or, selon le mot de Colin L. Powell, « l’espoir commence par un salaire ».

D’où le fonds ouvert par le MEPI. Interrogé sur les régimes, parfois alliés

des États-Unis, qui ne seraient pas des démocraties ni des économies de

marché, le Secrétaire d’État répondit qu’il n’était nullement question *« dans

cette initiative, ni dans aucune autre de nos politiques, de dire à

quelqu’un : “C’est la voie américaine, vous devez le faire à notre façon [8

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb8]”*. »

Toute ingérence politique était donc exclue. À l’exception de l’Irak dont

le régime avait encore le choix de désarmer, « ou il le sera » : à quatre

mois du début de l’invasion, la menace était claire.

Après le renversement du régime de Saddam Hussein en avril 2003,

l’administration Bush confirma son objectif de soutenir les réformes qui

permettraient de faire avancer la démocratie dans un Moyen-Orient

élargi, *broader/greater

Middle East* [9

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb9]. Le

13 février 2004, le quotidien arabe basé à Londres Al-Hayat publia un

document préparatoire à la réunion du G8 qui devait avoir lieu en juin à

Sea Island, aux États-Unis. Le texte est intitulé « G-8 Greater Middle East

Partnership ». La « fuite » a été perçue comme le dévoilement d’un plan qui

aurait dû rester secret, et a provoqué de vives réactions. Pourtant,

l’ambition états-unienne était déjà connue, exposée par George W. Bush le

6 novembre 2003 à l’occasion du vingtième anniversaire de la National

Endowment for Democracy, fondation privée soutenue par l’État fédéral :

*Aussi les États-Unis ont-ils adopté une nouvelle politique, une stratégie

pour promouvoir la liberté au Moyen-Orient. Celle-ci exige la même

persévérance, la même énergie, le même idéalisme dont nous avons fait

preuve par le passé, et elle donnera les mêmes résultats. Comme en Europe,

comme en Asie, comme dans toutes les régions du monde, les progrès de la

liberté mènent à la paix [10

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb10].*

L’espoir du président des États-Unis semblait sincère lorsqu’il affirmait

que *« l’établissement d’un Irak libre au cœur du Moyen-Orient [serait] un

événement décisif dans la révolution démocratique mondiale [11

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb11] »*.

La feuille de route rendue publique ce jour-même par la Maison blanche

listait les pans de cette politique de liberté et de démocratie. Avant

l’Afrique, l’Asie et l’Hémisphère occidental ainsi que les institutions

internationales, on trouvait, en tête, le « grand Moyen-Orient » *(Greater

Middle East)* [12

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb12],

qui englobait l’Afghanistan et l’Irak, où les États-Unis étaient engagés

respectivement depuis 2001 et 2003, l’Initiative de partenariat avec le

Moyen-Orient, initié en 2002, et le processus de paix israélo-palestinien.

Le terme de « grand Moyen-Orient » était une manière de regrouper plusieurs

engagements, du Maroc à l’Afghanistan, mais ne constituait pas un programme

en soi visant à redessiner le Moyen-Orient. Concrètement, la promotion de

la démocratie passait surtout par la renégociation des aides financières

états-uniennes bilatérales et à la réorientation des financements apportés

par l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international [13

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb13].

Le 12 novembre 2003, William J. Burns, secrétaire d’État adjoint aux

Affaires du Proche-Orient, participa à la conférence sur « L’héritage de

Marshall : le rôle de la communauté transatlantique dans la construction de

la paix et de la sécurité » organisée par la George C. Marshall Foundation.

Il y développa l’action menée par les États-Unis pour aider les Irakien·nes

à reconstruire leur pays dans le cadre de la résolution 1511 votée par le

Conseil de sécurité le 16 octobre 2003, et pour relancer le processus de

paix entre Israélien·nes et Palestinien·nes afin d’aboutir à deux États

voisin, comme l’avait défendu le président Bush le 24 juin 2002.

*Par bien des aspects, le défi consistant à restaurer l’espoir et à

intégrer le Grand Moyen-Orient dans un monde plus pacifique et plus

prospère est tout aussi important à l’aube du 21e siècle que celui de la

reconstruction et de la réintégration de l’Europe au milieu du siècle

dernier. Les circonstances sont différentes à bien des égards, mais

l’opportunité historique est très similaire. Il est certain qu’aucun défi

ne risque d’être plus important pour la communauté transatlantique dans les

années à venir. C’est pourquoi il est si utile aujourd’hui de rappeler la

vision de George Marshall. Il reste un modèle de compréhension de la

sécurité nationale dans son sens le plus large, de l’importance d’indiquer

clairement non seulement ce que nous combattons, mais aussi ce que nous

défendons, de la nécessité de restaurer l’espoir et la confiance comme le

meilleur antidote au chaos et à l’extrémisme, et de la valeur

d’un leadership américain généreux et d’une coopération transatlantique. En

ce moment critique de l’histoire, nous ferions tous bien d’imiter l’exemple

et la sagesse du général Marshall [14

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb14].*

Cette conférence fut l’occasion de souligner combien l’engagement des

États-Unis s’inscrivait dans le cadre d’une coopération transatlantique.

Or, le document de travail à destination des membres du G8, publié en

février 2004 par le journal Al Hayat, n’allait pas beaucoup plus loin et

ne faisait que présenter ensemble différentes dynamiques, endogènes et

exogènes :

*Les deux rapports arabes sur le développement humain constituent des

appels convaincants et urgents à l’action dans le cadre du GMO (Grand

Moyen-Orient). Ces appels ont été repris par des activistes, des

universitaires et le secteur privé à travers toute la région. Certains

dirigeants du GMO ont déjà répondu à ces appels et ont pris des mesures en

faveur de réformes politiques, sociales et économiques. Les pays du G8 ont,

à leur tour, soutenu ces efforts par leurs propres initiatives de réforme

au Moyen-Orient. Le Partenariat Euro-Méditerranéen, l’Initiative

états-unienne de partenariat avec le Moyen-Orient, et les efforts

multilatéraux de reconstruction de l’Afghanistan et de l’Irak démontrent

l’engagement du G8 pour réformer la région [15

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb15].*

Pourtant, les réactions furent très vives à l’encontre d’un plan qui

paraissait imposé à des pays sans concertation et dans un cadre

géopolitique arbitraire ; un nom revenait dans ces critiques, celui de

Bernard Lewis.

Le plan de Bernard Lewis

Sur le site Internet du journal égyptien Al-Ahram en décembre 2002,

c’est-à-dire entre les attentats du 11 septembre et l’invasion de l’Irak en

mars 2003, la journaliste palestinienne Lamis Andoni publia un article

intitulé « Bernard Lewis : In the service of empire » et consacré,

précisément, à Bernard Lewis. Elle débutait en rapportant les propos tenus

par le secrétaire d’État à la Défense Paul Wolfowitz lors d’une cérémonie

organisée en l’honneur de l’historien britannique à Tel Aviv en mars 2002 :

*Bernard Lewis a brillamment replacé les relations et les problèmes du

Moyen-Orient dans leur contexte plus large, avec une pensée véritablement

objective, originale et toujours indépendante. Bernard [nous] a appris à

comprendre l’histoire complexe et importante du Moyen-Orient et à

l’utiliser pour nous guider dans la construction d’un monde meilleur pour

les générations à venir [16

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb16].*

Pour Lamis Andoni, Bernard Lewis s’était mis au service de l’impérialisme

états-unien et d’Israël, au détriment des pays arabes. Elle rappelait,

entre autres, que c’était lui qui avait forgé l’expression « choc des

civilisations » (clash of civilisations) popularisée ensuite par Samuel

Huntington. L’islam était la source principale, d’après lui, du « ressentiment

anti-occidental [17

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb17].

Bernard Lewis (1916–2018) était un historien anglo-américain, spécialiste

reconnu du Moyen-Orient et des études islamiques. Né à Londres, il a étudié

à la School of Oriental and African Studies et obtenu son doctorat en

histoire islamique. Après avoir servi dans l’armée britannique pendant la

Seconde Guerre mondiale, il est devenu professeur et rejoint Princeton en

1974, où il a poursuivi une carrière prolifique. Dans ses travaux majeurs,

comme The Muslim Discovery of Europe et What Went Wrong ?, il a exploré

les dynamiques historiques entre l’Orient et l’Occident.

Considéré comme un expert influent, ses analyses ont façonné les discours

politiques états-uniens, notamment durant la guerre en Irak, où il a

conseillé l’administration Bush. Ses écrits, en particulier sur le « choc

des civilisations », ont contribué à populariser ce concept, non sans

susciter des controverses.

Critiqué par Edward Saïd pour ses positions orientalistes, il a été accusé

de présenter l’islam comme une civilisation homogène en déclin et hostile à

l’Occident. Ses propos sur le génocide arménien, négationnistes, ont été

largement contestés. Malgré ces critiques, son impact sur l’étude du

Moyen-Orient reste considérable.

Or, en 1989, Bernard Lewis avait publié un article sur les frontières du

Moyen-Orient : « The Map of the Middle East : A Guide for the Perplexed ».

En une vingtaine de pages, il développait une analyse géohistorique de ces

frontières pour démontrer leur inconsistance. En comparaison de l’Europe,

érigée en modèle géopolitique au regard du principe de l’État-nation, sur

la carte actuelle du Moyen-Orient « seuls trois pays sont conformes à la

convergence européenne entre nation, pays et langue : la république de

Turquie, habitée par des Turcs qui parlent turc ; l’Arabie, habitée par des

Arabes qui parlent arabe ; et l’Iran, que l’Occident appelait autrefois la

Perse, habitée par des Persans qui parlent persan [18

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb18].

Les États moyen-orientaux seraient donc en réalité fragiles malgré le

développement du nationalisme à l’intérieur d’un cadre qui aurait été tracé

par les colonisateurs français et britanniques. Indépendants, ces États

deviendraient nations ; « et leur pouvoir d’enfermer et de diviser est

susceptible de perdurer encore pendant un certain temps [19

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb19] ».

Mais l’appartenance à « la communauté politico-religieuse de l’Islam »,

dominante pendant quatorze siècles, perdurerait… Ce qui reste une vision

pour le moins fantasmée de l’histoire d’un « monde musulman » dont la

notion même est contestée.

Trois ans plus tard, en 1992, dans un autre article où il appelait à « repenser

le Moyen-Orient », Bernard Lewis s’inquiétait d’une fragmentation de la

région, une sorte de « balkanisation » :

*Une autre possibilité, qui pourrait même être précipitée par le

fondamentalisme, est ce qu’il est récemment devenu à la mode d’appeler la

“libanisation”. La plupart des États du Moyen-Orient – l’Égypte est une

exception évidente – sont de construction récente et artificielle et sont

vulnérables à un tel processus. Si le pouvoir central est suffisamment

affaibli, il n’y a pas de véritable société civile pour maintenir la

cohésion du système politique, pas de véritable sentiment d’identité

nationale commune ou d’allégeance primordiale à l’État-nation. L’État se

désintègre alors – comme cela s’est produit au Liban – dans un chaos de

disputes, de querelles, de luttes sectaires, tribales, régionales et

partisanes. Si les choses tournent mal et que les gouvernements centraux

vacillent et s’effondrent, la même chose pourrait se produire, non

seulement dans les pays du Moyen-Orient actuel, mais aussi dans les

républiques soviétiques nouvellement indépendantes, où les frontières

artificielles tracées par les anciens maîtres impériaux ont laissé chaque

république avec une mosaïque de minorités et de revendications d’une sorte

ou d’une autre, sur ou par ses voisins [20

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb20].*

Face à la menace du fondamentalisme islamique, il y aurait, pour les

peuples du Moyen-Orient en mal de démocratie en ce début des années 1990,

une « fenêtre d’opportunité » à saisir.

Or Bernard Lewis n’a pas été qu’un historien. Il s’est particulièrement

impliqué politiquement. On pourrait citer la « Lettre ouverte » adressée au

président Bill Clinton le 19 février 1998 par le *Committee for the Peace

and Security in the Gulf*, créé dès 1990 à la suite de l’invasion du Koweït

par l’Irak. La lettre était sans ambiguïté : *« Ce qu’il faut maintenant,

c’est une stratégie politique et militaire globale pour renverser Saddam et

son régime »*. L’argumentaire était déjà celui qui serait déroulé en 2003 :

le régime de Saddam Hussein, en développement des armes biologiques et

chimiques, en ayant utilisé ces armes contre son propre peuple, pourrait à

nouveau en faire usage et constituait donc *« un danger pour nos amis, nos

alliés, et notre nation »*. La sécurité nationale des États-Unis aurait été

engagée et nécessitait une intervention. Il n’était pas alors question

d’une invasion, mais d’un soutien massif à l’opposition irakienne en vue de

permettre un coup d’État. Parmi les signataires, on trouvait Bernard Lewis,

mais aussi Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz.

Pour celles et ceux qui regrettaient que le travail n’ait pas été fini en

1991, les attentats du 11 septembre 2001 furent l’occasion ou jamais de

renverser le régime de Saddam Hussein. Dès le 20 septembre, George W. Bush,

devant le Congrès des États-Unis, déclarait : « Notre guerre contre le

terrorisme commence avec al-Qaïda, mais ne s’y arrête pas [21

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb21]. »

S’ouvrait alors pour les États-Unis un moment impérial [22

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb22].

Épilogue

Les cartes de Ralph Peters n’ont que peu de valeur et il est en réalité

tout à fait inutile d’y avoir recours pour interroger la politique

impérialiste des États-Unis et la persistance d’un imaginaire colonial. On

pourrait ainsi terminer cette réflexion par un extrait tiré des mémoires de

Colin L. Powell, publiées en 1995, c’est-à-dire dans l’entre-temps des deux

guerres d’Irak. Il raconte l’intervention alliée menée entre avril et

juillet 1991 dans le nord de l’Irak :

*Jack Galvin, qui opérait depuis Mons, en Belgique, en tant que commandant

européen, contrôlait à distance nos forces dans cette région. Un dimanche

après-midi, alors que j’étais à Washington et que Jack était en Belgique,

chacun avec une carte devant nous, nous avons esquissé une “zone de

sécurité”, un secteur autour des villes kurdes d’Irak dans lequel les

troupes de Saddam ne seraient pas autorisées à pénétrer. Je me sentais

comme l’un de ces diplomates britanniques des années 1920 qui découpaient

des nations comme la Jordanie et l’Irak sur une nappe dans un club

de gentlemen. J’ai appelé Galvin, dans son rôle transeuropéen,

“Charlemagne” et je lui ai dit qu’il était désormais un véritable bâtisseur

de royaume. Après avoir délimité la zone de sécurité, nous avons ordonné à

l’armée irakienne de se retirer. Elle a refusé. Nous avons fait retentir le

sabre et elle s’est retirée. En sept semaines, Provide Comfort a ramené

chez eux près d’un demi-million de Kurdes [23

https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb23]*.

Le passage pourrait donner raison à toutes les critiques à l’encontre de

l’interventionnisme états-unien et aux fantasmes d’un redécoupage planifié

du Moyen-Orient. Pourtant, l’opération en question n’a débouché sur aucune

nouvelle frontière et avait pour objectif de protéger la population kurde

victime de la répression de Saddam Hussein. Les insurgé·es syrien·nes,

après 2011, ont rêvé un temps d’une telle intervention qui aurait cloué au

sol l’aviation de Bachar al-Assad… C’est la Russie qui s’est opposée à

toute « no-fly zone ». On connaît la suite.

↬ Vincent Capdepuy.

[1 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh1]

Jean-Michel

Morel, « Le cauchemar du “Nouveau Moyen-Orient” », Orient XXI, 27 mars 2023.

[2 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh2] Ralph

Peters, « Blood borders » http://armedforcesjournal.com/blood-borders/ Armed

Forces Jounral, 1er juin 2006

[3 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh3]

Leslie

H. Gelb, « The Three-State Solution », The New York Times, 25 novembre

2003.

[4 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh4] Peter

W. Galbraith, « The Case For Dividing Iraq », Time, 5 novembre 2006.

[5 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh5]

Office

of the Spokesman, « U.S.-Middle East Partnership Initiative »

https://2001-2009.state.gov/r/pa/prs/ps/2002/15923.htm, 12 décembre 2002.

[6 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh6] Colin

Powell, The U.S.-Middle East Partnership Initiative : Building Hope for the

Years Ahead

https://2001-2009.state.gov/secretary/former/powell/remarks/2002/15920.htm

.

[7 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh7]

Programme

des Nations Unies pour le Développement / Fonds Arabe de Développement

Économique et Social, Rapport arabe sur le développement humain 2002,

Publication des Nations Unies, New York, 2002, p. 3.

[8 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh8] Colin

Powell, 12 décembre 2002.

[9 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh9]

Vincent

Capdepuy, « Grand Moyen-Orient – Greater Middle East. Le lieu d’un moment

https://www.visionscarto.net/:%20http://mappemonde-archive.mgm.fr/num21/articles/art09103.html

», M@ppemonde n° 93, 2009.

[10 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh10]

« Fact Sheet : President Bush Calls for a “Forward Strategy of Freedom

https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2003/11/20031106-11.html

to Promote Democracy in the Middle East », Office of the Press Secretary,

6 novembre 2003.

[11 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh11]

Ibid.

[12 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh12]

Ibid.

[13 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh13]

Philippe

Droz-Vincent, 2007, *Vertiges de la puissance : le « moment américain » au

Moyen-Orient* Paris, Éd. La Découverte, p. 153 sq.

[14 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh14]

William

J. Burns, « Remarks to “The Marshall Legacy : The Role of the Transatlantic

Community in Building Peace and Security” Conference

https://2001-2009.state.gov/p/nea/rls/rm/26280.htm », 12 novembre 2003.

[15 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh15]

« U.S. Working Paper For G-8 Sherpas

http://www.la.utexas.edu/users/chenry/global/G8Feb2004draftHayat/Al-Hayat-G8%20Greater%20Middle%20East%20Partnership.htm

», Al-Hayat, 13 février 2004.

[16 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh16]

Lamis

Andoni, « Bernard Lewis : In the service of empire »

https://electronicintifada.net/content/bernard-lewis-service-empire/4276,

*Al-Ahram

Weekly Online*, n° 616, 12-18 décembre 2002.

[17 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh17]

Bernard

Lewis, 1992, « Les Arabes devant l’Occident : les sources du ressentiment

», Le Débat, n° 68, janvier-février 1992, pp. 102-116.

[18 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh18]

Bernard

Lewis, 1989, « The Map of the Middle East : A Guide for the Perplexed », *The

American Scholar*, Winter 1989, vol. 58, n° 1, p. 20.

[19 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh19]

Ibid.,

p. 38.

[20 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh20]

Bernard

Lewis, 1992, « Rethinking the Middle East », Foreign Affairs, vol. 71,

n° 4, pp. 116-117.

[21 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh21]

George

W. Bush, « Address to a Joint Session of Congress and the American People

https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/09/20010920-8.html

», The White House Archives, United States Capitol, Washington,

20 Septembre 2001.

[22 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh22]

René-Éric

Dagorn, 2023, « Iraq 2003-2007, Geopolitics of an Imperial Democratization »,

in : Laurent A. Lambert & Mossa Elayah (dir.), *The Post-American Middle

East : How the World Changed Whare the War on Terror Failed*, Palgrave

Macmillan, Cham, pp. 61-94.

[23 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh23]

Colin

L. Powell, 1995, My American Journey, New York, Random House, p. 530.