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24 NOVEMBRE 2024
Les deux cartes publiées par Ralph Peters dans l’Armed Forces Journal
http://armedforcesjournal.com/blood-borders/ ne sont pas nouvelles
puisqu’elles datent de 2006. Elles n’en continuent pas moins d’appuyer un
discours que l’on peut qualifier de conspirationniste, et il importe, face
à cela, de continuer à le déconstruire pour ne pas lui laisser le champ
libre.
*par Vincent Capdepuy*Docteur en géographie, professeur d’histoire et
géographie (académie de La Réunion).Auteur notamment de *Chroniques du bord
du monde : histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie* (Payot, 2021)
et Le Monde ou rien : histoire d’un concept géographique (PUL, 2023).
En mars 2023, Jean-Michel Morel publiait sur le site en ligne Orient XXI un
article intitulé « Le cauchemar du “Nouveau Moyen-Orient
https://orientxxi.info/magazine/le-cauchemar-du-nouveau-moyen-orient,6322”
[1 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb1] ».
L’auteur écrivait notamment :
*De façon à préparer ce qui devait être un bouleversement cataclysmique
revendiqué et assumé, l’administration nord-américaine se dota d’une carte
concoctée par Ralph Peters, un lieutenant-colonel à la retraite. Publiée
dans* l’Armed Force Journal *en juin 2006 et légendée sans ambiguïté *“Des
frontières de sang : à quoi ressemblerait un meilleur Moyen-Orient”, *ce
document stratégique remettait en cause les accords Sykes-Picot de 1916 et
effaçait la ligne Durand tracée en 1893 par les Britanniques pour séparer
l’Afghanistan du Pakistan.*
La carte d’« Après » révélerait le plan du gouvernement états-unien en
2006, c’est-à-dire sous la présidence de George W. Bush (2001-2009). Le
problème est que rien ne permet d’établir une telle équivalence et
d’effacer le fait que ces cartes ont un auteur dont le positionnement doit
être cerné, que ces cartes ne peuvent pas être utilisées en faisant
abstraction de l’article qu’elles accompagnent, que leur sens ne s’impose
pas de lui-même.
Il faut également dire combien il est délicat de déconstruire un point de
vue critique sur l’invasion états-unienne de l’Irak en 2003, car cela
pourrait facilement paraître à rebours comme une justification de
celle-ci : et bien entendu, ce n’est pas l’objet de cet article. La seule
question qui compte ici porte sur l’importance qu’on doit accorder à ces
cartes par rapport à la guerre en Irak et à la politique des États-Unis au
Moyen-Orient au cours de cette décennie marquée par les attentats du
11 septembre 2001. Pour le dire autrement, peut-on considérer que ces
cartes nous révèlent un « plan caché » ?
Les cartes de Ralph Peters
[image: JPEG - 350.4 kio]
[image: JPEG - 398.9 kio]
Cartes illustrant l’article de Ralph Peters « Frontières de sang » (*Blood
borders*)
Armed Forces Journal, juin 2006.
Cartographie : Chris Broz.
Les cartes publiées en 2006 dans l’Armed Forces Journal [2
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb2] sont
extraites d’un article intitulé « Les frontières de sang ». Ralph Peters
était alors un lieutenant-colonel à la retraite et un intervenant régulier
sur Fox News. Strictement rien ne permet de considérer qu’il exprimait une
quelconque vision officielle du gouvernement états-unien et, pour
comprendre le sens de ces cartes, il importe d’abord de lire ce qu’il écrit
dans l’article dont elles étaient l’illustration.
Ralph Peters, né en 1952 à Pottsville, Pennsylvanie, est un ancien
lieutenant-colonel de l’armée états-unienne, écrivain et analyste
militaire. Après une carrière de 22 ans dans le renseignement militaire, il
a pris sa retraite en 1998. Auteur prolifique, il a écrit des romans
historiques sur la guerre de Sécession et des ouvrages d’analyse
stratégique, dont Endless War et Looking for Trouble. Connu pour ses
prises de position tranchées, exprimées dans différents journaux, il a été
commentateur sur Fox News avant de quitter la chaîne en 2018, dénonçant une
dérive idéologique.
Ralph Peters part d’une idée assez simple : il fait le constat que le
Moyen-Orient est une mosaïque de peuples que ne traduisent pas les
découpages actuels. Il propose donc de nouvelles délimitations fondées sur
les aspirations nationales, ce qu’il appelle les « frontières de sang ». Il
le sait, ceci ne saurait être parfait.
*Les frontières projetées dans les cartes qui accompagnent cet article
réparent les torts subis par les groupes de population « lésés » les plus
importants, tels les Kurdes, les Baloutches et les Arabes chiites, mais ne
tiennent toujours pas compte de manière adéquate des chrétiens du
Moyen-Orient, des bahaïs, des ismaéliens, des naqshbandis et de nombreuses
autres minorités numériquement moins importantes.*
Il espère ainsi proposer une solution permettant d’éviter de nouvelles
guerres :
*Si l’on admet que la diplomatie internationale n’a jamais développé
d’outils efficaces – à l’exception de la guerre – pour réajuster des
frontières défectueuses, un effort mental pour appréhender les frontières
“organiques” du Moyen-Orient nous aide néanmoins à comprendre l’ampleur des
difficultés auxquelles nous sommes confrontés et continuerons de l’être.
Nous avons affaire à des malformations colossales, créées par l’homme, qui
ne cesseront d’engendrer haine et violence tant qu’elles n’auront pas été
corrigées.*
Sa proposition s’inscrit dans la continuité de ce qui s’est passé en
ex-Yougoslavie au cours de la décennie précédente ; il fait explicitement
allusion au Kosovo. Selon lui, le redécoupage des frontières qui a été
opéré dans cette région, non sans guerres, pourrait servir de modèle à ce
qu’il conviendrait de faire au Moyen-Orient.
Que propose-t-il ?
Ralph Peters reprend l’idée que l’unité de l’Irak serait artificielle ; il
qualifie le pays de « monstre de Frankenstein ». La conquête états-unienne
de 2003 serait, selon lui, une occasion ratée de démembrer l’Irak au profit
de trois petits États, ce qui aurait permis de donner satisfaction aux
Kurdes d’un côté et aux Arabes chiites de l’autre. Ralph Peters n’était pas
le premier à envisager la partition de l’Irak. Mais l’idée, initialement,
n’avait pas été portée par l’administration Bush. Au contraire. C’est
Leslie H. Gelb qui publia en novembre 2003 une tribune dans *The New York
Times* en faveur d’une solution à trois États. Lui aussi s’appuyait sur
l’expérience de l’ex-Yougoslavie et critiquait l’entêtement du pouvoir
états-unien à soutenir un État qu’il considérait comme artificiel. *« La
leçon est évidente*, écrivait Leslie H. Gelb * : la force écrasante était
la meilleure chance de maintenir la Yougoslavie entière, et pourtant cela
n’a pas fonctionné en fin de compte. Entre-temps, le coût de la prévention
de l’émergence des États naturels a été terrible. [3
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb3] ».*
Peter W. Galbraith, démocrate, ancien ambassadeur en Croatie entre 1993 et
1998, publia à son tour un article dans le Time en novembre 2006. La
solution de sortie pour les États-Unis dans une situation conflictuelle qui
dure alors depuis plus de trois ans, lui paraît simple. *« Alors que les
Américains cherchent des réponses, il existe une alternative évidente :
diviser l’Irak en États kurde, sunnite et chiite distincts [4
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb4] ».* En
septembre 2007, le plan d’un système fédéral décentralisé pour l’Irak fut
présenté au Sénat par Joe Biden et voté à une large majorité. Cela devait
être une réponse à l’échec de la politique du président Bush.
Autre proposition : Ralph Peters affirme qu’Israël devrait revenir aux
frontières « pré-1967 ». En cela, il ne fait que reprendre la résolution
242 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 22 novembre 1967
affirmant que l’instauration d’une paix durable dans la région implique le «
retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du
récent conflit » (dans sa version française ; « *from territories occupied
in the recent conflict* » dans sa version anglaise, qui sert de facto de
référence). L’interprétation de la résolution 242 est restée un point
d’achoppement depuis plus de cinquante ans, même si le texte a servi de
référence aux négociations entreprises depuis la fin des années 1970. En
2002, le Conseil de sécurité avait voté une nouvelle résolution, 1397,
rappelant notamment la résolution 242 et affirmant « la vision d’une région
dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à
l’intérieur de frontières reconnues et sûres ». Les États-Unis ont voté
pour.
Enfin, Ralph Peters propose de découper l’Arabie Saoudite, de réduire son
territoire autour de Riyad, et surtout d’internationaliser les villes de La
Mecque et de Médine en les confiant à un conseil tournant représentatif des
principales écoles et mouvements musulmans du monde, autrement dit d’en
faire « un État sacré islamique », « une sorte de super-Vatican musulman ».
Est-il nécessaire de rappeler l’alliance qui unit les États-Unis et
l’Arabie Saoudite pour comprendre à quel point l’article de Ralph Peters ne
peut pas être considéré comme l’expression d’un plan secret visant à
redécouper tout le Moyen-Orient ?
Pourtant, la carte a pu susciter quelques craintes. Une dépêche de
l’ambassade états-unienne au Secrétaire d’État à Washington en septembre
2006, connue par Wikileaks, révèle l’inquiétude du secrétaire général aux
affaires américaines turc, Murat Esenli. Il a appelé l’ambassade d’Ankara
deux fois en six semaines. La première fois, début août, la carte publiée
par l’Armed Forces Journal avait été reprise par deux journaux turcs,
Cumhuriyet et Vatan, ce qui avait provoqué la publication d’un démenti
officiel à propos de toute affiliation de Ralph Peters avec l’United States
Government (USG). L’auteur n’exprimait que sa propre opinion. La seconde
fois, fin septembre, la carte avait été montrée par un colonel lors d’une
formation au Collège de défense de l’OTAN à Rome, ce qui avait provoqué la
protestation d’un officier turc présent. Encore une fois, la réponse était
sans ambiguïté : cette carte n’engageait que son auteur, non les autorités
états-uniennes.
L’article de Jean-Michel Morel ne rend compte de rien de tout cela. Au
contraire, cette carte révélerait le plan élaboré par le gouvernement des
États-Unis : *« De façon à préparer ce qui devait être un bouleversement
cataclysmique revendiqué et assumé, l’administration nord-américaine se
dota d’une carte concoctée par Ralph Peters »*. Pourtant, rien ne peut
étayer une telle affirmation. Cette carte n’est pas le plan secret pour
démembrer l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran. Une telle interprétation
correspond à une vision conspirationniste des relations internationales que
la seule critique de la politique des États-Unis ne peut suffire à
justifier. Cependant, si l’article de Ralph Peters suscite cette lecture,
c’est qu’il s’inscrit dans une crainte plus large.
Les États-Unis et le « Grand Moyen-Orient »
Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement des États-Unis
est entré dans une « guerre contre le terrorisme » (war on terror) qui
l’a conduit assez rapidement à l’invasion de l’Afghanistan à partir du
7 octobre 2001. C’est l’opération Enduring Freedom, « Liberté immuable ».
Pour cela, les États-Unis ont obtenu l’appui de leurs alliés de l’OTAN, du
Pakistan et du Secrétaire général de l’ONU. Le gouvernement des talibans,
qui avait refusé de livrer les dirigeants d’al-Qaïda, fuit Kaboul le mois
suivant. Mais Oussama ben Laden échappe aux forces états-uniennes.
Parallèlement à la poursuite des combats dans les montagnes afghanes, un
nouvel État est mis en place sous l’égide des États-Unis : Hamid Karzaï est
élu en juin 2002 pour présider la transition vers un régime démocratique et
une nouvelle Constitution est adoptée en janvier 2004.
Entretemps, les États-Unis ont envahi l’Irak. Les raisons invoquées par le
gouvernement de George W. Bush – la lutte contre les djihadistes et la
recherche d’armes de destruction massive –, ne convainquent pas la
communauté internationale ; et pour cause : ces raisons sont fausses.
Qu’importe, le 20 mars 2003, l’armée états-unienne attaque l’Irak et, en
quelques semaines, balaie les troupes de Saddam Hussein, qui a fui et tente
de se cacher. Le 1er mai 2003, les activités militaires sont officiellement
terminées. C’est le début d’une longue guerre civile mêlée d’insurrection à
l’encontre des États-Unis, notamment dans l’Anbar, la province occidentale
de l’Irak.
[image: JPEG - 2.2 Mio]
Géopolitique du chaos ou le « Grand Moyen-Orient. »
Cartographie : Philippe Rekacewicz, visionscarto.net, 2012.
Mais l’invasion de l’Irak s’est inscrite dans un cadre politique plus vaste
qui a reçu, de façon formelle ou informelle, plusieurs appellations
successives de la part des autorités états-uniennes. Le 12 décembre 2002,
le secrétaire d’État Colin L Powell a présenté l’« Initiative de
partenariat avec le Moyen-Orient », Middle-East Partnership Initiative (
MEPI). Alors qu’une feuille de route exposait le projet, qui consistait à
débourser un milliard de dollars par an pour soutenir des programmes
économiques, politiques et éducatifs dans le monde arabe [5
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb5],
Colin L. Powell intervenait au think tank conservateur *The Heritage
Foundation* pour expliquer les objectifs de cette « initiative ». Il en
reprenait le motus : *« Construire un pays où la liberté, les
opportunités, la prospérité et la société civile s’épanouissent [6
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb6] »*.
Sur le plan géopolitique, il mit en avant deux points importants : désarmer
l’Irak et conduire à son terme le processus de paix israélo-palestinien.
Mais l’idée s’apparentait davantage à une sorte de Plan Marshall.
En juillet de la même année était paru le premier *Rapport arabe sur le
développement humain*. Les auteurs constataient un déficit de démocratie et
des aspirations à la liberté et à la démocratie :
*Les pays arabes enregistrent un retard par rapport aux autres régions en
matière de gouvernance et de participation aux processus de décision. La
vague de démocratisation, qui a transformé la gouvernance dans la plupart
des pays d’Amérique latine et d’Asie orientale dans les années
quatre-vingt, en Europe centrale, et dans une bonne partie de l’Asie
centrale à la fin des années quatre-vingt et au début des années
quatre-vingt-dix, a à peine effleuré les États arabes. Ce déficit de
liberté va à l’encontre du développement humain et constitue l’une des
manifestations les plus douloureuses du retard enregistré en termes de
développement politique* [7
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb7].
Or, selon le mot de Colin L. Powell, « l’espoir commence par un salaire ».
D’où le fonds ouvert par le MEPI. Interrogé sur les régimes, parfois alliés
des États-Unis, qui ne seraient pas des démocraties ni des économies de
marché, le Secrétaire d’État répondit qu’il n’était nullement question *« dans
cette initiative, ni dans aucune autre de nos politiques, de dire à
quelqu’un : “C’est la voie américaine, vous devez le faire à notre façon [8
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb8]”*. »
Toute ingérence politique était donc exclue. À l’exception de l’Irak dont
le régime avait encore le choix de désarmer, « ou il le sera » : à quatre
mois du début de l’invasion, la menace était claire.
Après le renversement du régime de Saddam Hussein en avril 2003,
l’administration Bush confirma son objectif de soutenir les réformes qui
permettraient de faire avancer la démocratie dans un Moyen-Orient
élargi, *broader/greater
Middle East* [9
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb9]. Le
13 février 2004, le quotidien arabe basé à Londres Al-Hayat publia un
document préparatoire à la réunion du G8 qui devait avoir lieu en juin à
Sea Island, aux États-Unis. Le texte est intitulé « G-8 Greater Middle East
Partnership ». La « fuite » a été perçue comme le dévoilement d’un plan qui
aurait dû rester secret, et a provoqué de vives réactions. Pourtant,
l’ambition états-unienne était déjà connue, exposée par George W. Bush le
6 novembre 2003 à l’occasion du vingtième anniversaire de la National
Endowment for Democracy, fondation privée soutenue par l’État fédéral :
*Aussi les États-Unis ont-ils adopté une nouvelle politique, une stratégie
pour promouvoir la liberté au Moyen-Orient. Celle-ci exige la même
persévérance, la même énergie, le même idéalisme dont nous avons fait
preuve par le passé, et elle donnera les mêmes résultats. Comme en Europe,
comme en Asie, comme dans toutes les régions du monde, les progrès de la
liberté mènent à la paix [10
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb10].*
L’espoir du président des États-Unis semblait sincère lorsqu’il affirmait
que *« l’établissement d’un Irak libre au cœur du Moyen-Orient [serait] un
événement décisif dans la révolution démocratique mondiale [11
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb11] »*.
La feuille de route rendue publique ce jour-même par la Maison blanche
listait les pans de cette politique de liberté et de démocratie. Avant
l’Afrique, l’Asie et l’Hémisphère occidental ainsi que les institutions
internationales, on trouvait, en tête, le « grand Moyen-Orient » *(Greater
Middle East)* [12
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb12],
qui englobait l’Afghanistan et l’Irak, où les États-Unis étaient engagés
respectivement depuis 2001 et 2003, l’Initiative de partenariat avec le
Moyen-Orient, initié en 2002, et le processus de paix israélo-palestinien.
Le terme de « grand Moyen-Orient » était une manière de regrouper plusieurs
engagements, du Maroc à l’Afghanistan, mais ne constituait pas un programme
en soi visant à redessiner le Moyen-Orient. Concrètement, la promotion de
la démocratie passait surtout par la renégociation des aides financières
états-uniennes bilatérales et à la réorientation des financements apportés
par l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international [13
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb13].
Le 12 novembre 2003, William J. Burns, secrétaire d’État adjoint aux
Affaires du Proche-Orient, participa à la conférence sur « L’héritage de
Marshall : le rôle de la communauté transatlantique dans la construction de
la paix et de la sécurité » organisée par la George C. Marshall Foundation.
Il y développa l’action menée par les États-Unis pour aider les Irakien·nes
à reconstruire leur pays dans le cadre de la résolution 1511 votée par le
Conseil de sécurité le 16 octobre 2003, et pour relancer le processus de
paix entre Israélien·nes et Palestinien·nes afin d’aboutir à deux États
voisin, comme l’avait défendu le président Bush le 24 juin 2002.
*Par bien des aspects, le défi consistant à restaurer l’espoir et à
intégrer le Grand Moyen-Orient dans un monde plus pacifique et plus
prospère est tout aussi important à l’aube du 21e siècle que celui de la
reconstruction et de la réintégration de l’Europe au milieu du siècle
dernier. Les circonstances sont différentes à bien des égards, mais
l’opportunité historique est très similaire. Il est certain qu’aucun défi
ne risque d’être plus important pour la communauté transatlantique dans les
années à venir. C’est pourquoi il est si utile aujourd’hui de rappeler la
vision de George Marshall. Il reste un modèle de compréhension de la
sécurité nationale dans son sens le plus large, de l’importance d’indiquer
clairement non seulement ce que nous combattons, mais aussi ce que nous
défendons, de la nécessité de restaurer l’espoir et la confiance comme le
meilleur antidote au chaos et à l’extrémisme, et de la valeur
d’un leadership américain généreux et d’une coopération transatlantique. En
ce moment critique de l’histoire, nous ferions tous bien d’imiter l’exemple
et la sagesse du général Marshall [14
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb14].*
Cette conférence fut l’occasion de souligner combien l’engagement des
États-Unis s’inscrivait dans le cadre d’une coopération transatlantique.
Or, le document de travail à destination des membres du G8, publié en
février 2004 par le journal Al Hayat, n’allait pas beaucoup plus loin et
ne faisait que présenter ensemble différentes dynamiques, endogènes et
exogènes :
*Les deux rapports arabes sur le développement humain constituent des
appels convaincants et urgents à l’action dans le cadre du GMO (Grand
Moyen-Orient). Ces appels ont été repris par des activistes, des
universitaires et le secteur privé à travers toute la région. Certains
dirigeants du GMO ont déjà répondu à ces appels et ont pris des mesures en
faveur de réformes politiques, sociales et économiques. Les pays du G8 ont,
à leur tour, soutenu ces efforts par leurs propres initiatives de réforme
au Moyen-Orient. Le Partenariat Euro-Méditerranéen, l’Initiative
états-unienne de partenariat avec le Moyen-Orient, et les efforts
multilatéraux de reconstruction de l’Afghanistan et de l’Irak démontrent
l’engagement du G8 pour réformer la région [15
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb15].*
Pourtant, les réactions furent très vives à l’encontre d’un plan qui
paraissait imposé à des pays sans concertation et dans un cadre
géopolitique arbitraire ; un nom revenait dans ces critiques, celui de
Bernard Lewis.
Le plan de Bernard Lewis
Sur le site Internet du journal égyptien Al-Ahram en décembre 2002,
c’est-à-dire entre les attentats du 11 septembre et l’invasion de l’Irak en
mars 2003, la journaliste palestinienne Lamis Andoni publia un article
intitulé « Bernard Lewis : In the service of empire » et consacré,
précisément, à Bernard Lewis. Elle débutait en rapportant les propos tenus
par le secrétaire d’État à la Défense Paul Wolfowitz lors d’une cérémonie
organisée en l’honneur de l’historien britannique à Tel Aviv en mars 2002 :
*Bernard Lewis a brillamment replacé les relations et les problèmes du
Moyen-Orient dans leur contexte plus large, avec une pensée véritablement
objective, originale et toujours indépendante. Bernard [nous] a appris à
comprendre l’histoire complexe et importante du Moyen-Orient et à
l’utiliser pour nous guider dans la construction d’un monde meilleur pour
les générations à venir [16
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb16].*
Pour Lamis Andoni, Bernard Lewis s’était mis au service de l’impérialisme
états-unien et d’Israël, au détriment des pays arabes. Elle rappelait,
entre autres, que c’était lui qui avait forgé l’expression « choc des
civilisations » (clash of civilisations) popularisée ensuite par Samuel
Huntington. L’islam était la source principale, d’après lui, du « ressentiment
anti-occidental [17
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb17].
Bernard Lewis (1916–2018) était un historien anglo-américain, spécialiste
reconnu du Moyen-Orient et des études islamiques. Né à Londres, il a étudié
à la School of Oriental and African Studies et obtenu son doctorat en
histoire islamique. Après avoir servi dans l’armée britannique pendant la
Seconde Guerre mondiale, il est devenu professeur et rejoint Princeton en
1974, où il a poursuivi une carrière prolifique. Dans ses travaux majeurs,
comme The Muslim Discovery of Europe et What Went Wrong ?, il a exploré
les dynamiques historiques entre l’Orient et l’Occident.
Considéré comme un expert influent, ses analyses ont façonné les discours
politiques états-uniens, notamment durant la guerre en Irak, où il a
conseillé l’administration Bush. Ses écrits, en particulier sur le « choc
des civilisations », ont contribué à populariser ce concept, non sans
susciter des controverses.
Critiqué par Edward Saïd pour ses positions orientalistes, il a été accusé
de présenter l’islam comme une civilisation homogène en déclin et hostile à
l’Occident. Ses propos sur le génocide arménien, négationnistes, ont été
largement contestés. Malgré ces critiques, son impact sur l’étude du
Moyen-Orient reste considérable.
Or, en 1989, Bernard Lewis avait publié un article sur les frontières du
Moyen-Orient : « The Map of the Middle East : A Guide for the Perplexed ».
En une vingtaine de pages, il développait une analyse géohistorique de ces
frontières pour démontrer leur inconsistance. En comparaison de l’Europe,
érigée en modèle géopolitique au regard du principe de l’État-nation, sur
la carte actuelle du Moyen-Orient « seuls trois pays sont conformes à la
convergence européenne entre nation, pays et langue : la république de
Turquie, habitée par des Turcs qui parlent turc ; l’Arabie, habitée par des
Arabes qui parlent arabe ; et l’Iran, que l’Occident appelait autrefois la
Perse, habitée par des Persans qui parlent persan [18
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb18].
Les États moyen-orientaux seraient donc en réalité fragiles malgré le
développement du nationalisme à l’intérieur d’un cadre qui aurait été tracé
par les colonisateurs français et britanniques. Indépendants, ces États
deviendraient nations ; « et leur pouvoir d’enfermer et de diviser est
susceptible de perdurer encore pendant un certain temps [19
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb19] ».
Mais l’appartenance à « la communauté politico-religieuse de l’Islam »,
dominante pendant quatorze siècles, perdurerait… Ce qui reste une vision
pour le moins fantasmée de l’histoire d’un « monde musulman » dont la
notion même est contestée.
Trois ans plus tard, en 1992, dans un autre article où il appelait à « repenser
le Moyen-Orient », Bernard Lewis s’inquiétait d’une fragmentation de la
région, une sorte de « balkanisation » :
*Une autre possibilité, qui pourrait même être précipitée par le
fondamentalisme, est ce qu’il est récemment devenu à la mode d’appeler la
“libanisation”. La plupart des États du Moyen-Orient – l’Égypte est une
exception évidente – sont de construction récente et artificielle et sont
vulnérables à un tel processus. Si le pouvoir central est suffisamment
affaibli, il n’y a pas de véritable société civile pour maintenir la
cohésion du système politique, pas de véritable sentiment d’identité
nationale commune ou d’allégeance primordiale à l’État-nation. L’État se
désintègre alors – comme cela s’est produit au Liban – dans un chaos de
disputes, de querelles, de luttes sectaires, tribales, régionales et
partisanes. Si les choses tournent mal et que les gouvernements centraux
vacillent et s’effondrent, la même chose pourrait se produire, non
seulement dans les pays du Moyen-Orient actuel, mais aussi dans les
républiques soviétiques nouvellement indépendantes, où les frontières
artificielles tracées par les anciens maîtres impériaux ont laissé chaque
république avec une mosaïque de minorités et de revendications d’une sorte
ou d’une autre, sur ou par ses voisins [20
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb20].*
Face à la menace du fondamentalisme islamique, il y aurait, pour les
peuples du Moyen-Orient en mal de démocratie en ce début des années 1990,
une « fenêtre d’opportunité » à saisir.
Or Bernard Lewis n’a pas été qu’un historien. Il s’est particulièrement
impliqué politiquement. On pourrait citer la « Lettre ouverte » adressée au
président Bill Clinton le 19 février 1998 par le *Committee for the Peace
and Security in the Gulf*, créé dès 1990 à la suite de l’invasion du Koweït
par l’Irak. La lettre était sans ambiguïté : *« Ce qu’il faut maintenant,
c’est une stratégie politique et militaire globale pour renverser Saddam et
son régime »*. L’argumentaire était déjà celui qui serait déroulé en 2003 :
le régime de Saddam Hussein, en développement des armes biologiques et
chimiques, en ayant utilisé ces armes contre son propre peuple, pourrait à
nouveau en faire usage et constituait donc *« un danger pour nos amis, nos
alliés, et notre nation »*. La sécurité nationale des États-Unis aurait été
engagée et nécessitait une intervention. Il n’était pas alors question
d’une invasion, mais d’un soutien massif à l’opposition irakienne en vue de
permettre un coup d’État. Parmi les signataires, on trouvait Bernard Lewis,
mais aussi Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz.
Pour celles et ceux qui regrettaient que le travail n’ait pas été fini en
1991, les attentats du 11 septembre 2001 furent l’occasion ou jamais de
renverser le régime de Saddam Hussein. Dès le 20 septembre, George W. Bush,
devant le Congrès des États-Unis, déclarait : « Notre guerre contre le
terrorisme commence avec al-Qaïda, mais ne s’y arrête pas [21
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb21]. »
S’ouvrait alors pour les États-Unis un moment impérial [22
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb22].
Épilogue
Les cartes de Ralph Peters n’ont que peu de valeur et il est en réalité
tout à fait inutile d’y avoir recours pour interroger la politique
impérialiste des États-Unis et la persistance d’un imaginaire colonial. On
pourrait ainsi terminer cette réflexion par un extrait tiré des mémoires de
Colin L. Powell, publiées en 1995, c’est-à-dire dans l’entre-temps des deux
guerres d’Irak. Il raconte l’intervention alliée menée entre avril et
juillet 1991 dans le nord de l’Irak :
*Jack Galvin, qui opérait depuis Mons, en Belgique, en tant que commandant
européen, contrôlait à distance nos forces dans cette région. Un dimanche
après-midi, alors que j’étais à Washington et que Jack était en Belgique,
chacun avec une carte devant nous, nous avons esquissé une “zone de
sécurité”, un secteur autour des villes kurdes d’Irak dans lequel les
troupes de Saddam ne seraient pas autorisées à pénétrer. Je me sentais
comme l’un de ces diplomates britanniques des années 1920 qui découpaient
des nations comme la Jordanie et l’Irak sur une nappe dans un club
de gentlemen. J’ai appelé Galvin, dans son rôle transeuropéen,
“Charlemagne” et je lui ai dit qu’il était désormais un véritable bâtisseur
de royaume. Après avoir délimité la zone de sécurité, nous avons ordonné à
l’armée irakienne de se retirer. Elle a refusé. Nous avons fait retentir le
sabre et elle s’est retirée. En sept semaines, Provide Comfort a ramené
chez eux près d’un demi-million de Kurdes [23
https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nb23]*.
Le passage pourrait donner raison à toutes les critiques à l’encontre de
l’interventionnisme états-unien et aux fantasmes d’un redécoupage planifié
du Moyen-Orient. Pourtant, l’opération en question n’a débouché sur aucune
nouvelle frontière et avait pour objectif de protéger la population kurde
victime de la répression de Saddam Hussein. Les insurgé·es syrien·nes,
après 2011, ont rêvé un temps d’une telle intervention qui aurait cloué au
sol l’aviation de Bachar al-Assad… C’est la Russie qui s’est opposée à
toute « no-fly zone ». On connaît la suite.
↬ Vincent Capdepuy.
[1 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh1]
Jean-Michel
Morel, « Le cauchemar du “Nouveau Moyen-Orient” », Orient XXI, 27 mars 2023.
[2 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh2] Ralph
Peters, « Blood borders » http://armedforcesjournal.com/blood-borders/ Armed
Forces Jounral, 1er juin 2006
[3 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh3]
Leslie
H. Gelb, « The Three-State Solution », The New York Times, 25 novembre
2003.
[4 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh4] Peter
W. Galbraith, « The Case For Dividing Iraq », Time, 5 novembre 2006.
[5 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh5]
Office
of the Spokesman, « U.S.-Middle East Partnership Initiative »
https://2001-2009.state.gov/r/pa/prs/ps/2002/15923.htm, 12 décembre 2002.
[6 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh6] Colin
Powell, The U.S.-Middle East Partnership Initiative : Building Hope for the
Years Ahead
https://2001-2009.state.gov/secretary/former/powell/remarks/2002/15920.htm
.
[7 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh7]
Programme
des Nations Unies pour le Développement / Fonds Arabe de Développement
Économique et Social, Rapport arabe sur le développement humain 2002,
Publication des Nations Unies, New York, 2002, p. 3.
[8 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh8] Colin
Powell, 12 décembre 2002.
[9 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh9]
Vincent
Capdepuy, « Grand Moyen-Orient – Greater Middle East. Le lieu d’un moment
https://www.visionscarto.net/:%20http://mappemonde-archive.mgm.fr/num21/articles/art09103.html
», M@ppemonde n° 93, 2009.
[10 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh10]
« Fact Sheet : President Bush Calls for a “Forward Strategy of Freedom
https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2003/11/20031106-11.html”
to Promote Democracy in the Middle East », Office of the Press Secretary,
6 novembre 2003.
[11 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh11]
Ibid.
[12 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh12]
Ibid.
[13 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh13]
Philippe
Droz-Vincent, 2007, *Vertiges de la puissance : le « moment américain » au
Moyen-Orient* Paris, Éd. La Découverte, p. 153 sq.
[14 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh14]
William
J. Burns, « Remarks to “The Marshall Legacy : The Role of the Transatlantic
Community in Building Peace and Security” Conference
https://2001-2009.state.gov/p/nea/rls/rm/26280.htm », 12 novembre 2003.
[15 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh15]
« U.S. Working Paper For G-8 Sherpas
», Al-Hayat, 13 février 2004.
[16 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh16]
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Andoni, « Bernard Lewis : In the service of empire »
https://electronicintifada.net/content/bernard-lewis-service-empire/4276,
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[17 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh17]
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[18 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh18]
Bernard
Lewis, 1989, « The Map of the Middle East : A Guide for the Perplexed », *The
American Scholar*, Winter 1989, vol. 58, n° 1, p. 20.
[19 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh19]
Ibid.,
p. 38.
[20 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh20]
Bernard
Lewis, 1992, « Rethinking the Middle East », Foreign Affairs, vol. 71,
n° 4, pp. 116-117.
[21 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh21]
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https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/09/20010920-8.html
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[22 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh22]
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Dagorn, 2023, « Iraq 2003-2007, Geopolitics of an Imperial Democratization »,
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[23 https://www.visionscarto.net/partager-le-moyen-orient-projet-ou#nh23]
Colin
L. Powell, 1995, My American Journey, New York, Random House, p. 530.