Fwd: [Jungles] À Calais, les autorités comptent trois morts dans un naufrage et oublient treize disparus [Médiapart, 8.11.2024]

miladyrenoirmiladyrenoir
2024-11-9 10:24

Les corps retrouvés morts

Et les corps retrouvés survivants

Et les corps jamais retrouvés

Et les corps jamais comptés

Pourtant ces corps comptent.

———- Forwarded message ———

De : Maël Galisson mael.galisson@gmail.com

Date: sam. 9 nov. 2024, 10:20

Subject: [Jungles] À Calais, les autorités comptent trois morts dans un

naufrage et oublient treize disparus [Médiapart, 8.11.2024]

To: la liste des soutiens aux exilés des jungles jungles@rezo.net

https://www.mediapart.fr/journal/france/081124/calais-les-autorites-comptent-trois-morts-dans-un-naufrage-et-oublient-treize-disparus

À Calais, les autorités comptent trois morts dans un naufrage et oublient

treize disparus

*Le 23 octobre, un zodiac avec à son bord plusieurs dizaines d’exilés

sombrait dans la Manche. Le bilan officiel fait état de trois morts. Mais

deux semaines plus tard, treize personnes restent introuvables et plusieurs

corps ont été repêchés à proximité.*

Julia Druelle, Maël Galisson et Simon Mauvieux

8 novembre 2024 à 20h13

DepuisDepuis une semaine, la Manche rend ses morts au compte-gouttes. Six

corps ont été recrachés sur les plages du littoral, sans explication

officielle. Un événement récent fait pourtant écho : un naufrage qui a eu

lieu le 23 octobre, dans lequel trois personnes ont perdu la vie.

Juste après cet incident, des rescapés et des proches ont rapidement

signalé que plusieurs personnes n’avaient pas été secourues. Selon nos

sources et des témoignages recueillis, treize personnes, en plus des trois

morts avérés, ont disparu. Le bilan final pourrait donc s’élever à seize

victimes. Cela en ferait le naufrage le plus meurtrier après celui du 24

novembre 2021, qui en comptait vingt-sept.

Plus de dix jours après le drame, les rescapés et les familles des disparus

attendent toujours des réponses. La préfecture renvoie toute demande

d’information vers le parquet de Boulogne-sur-Mer, chargé du dossier

judiciaire. *« Pour l’heure, il n’y a pas de lien entre ces corps

[retrouvés ces derniers jours] et un naufrage connu »,* a déclaré au

journal local Nord Littoral Guirec Le Bras, procureur du parquet de

Boulogne-sur-Mer, le 6 novembre.

[image: Illustration 1] Des sauveteurs sortent leur canot de l’eau sur la

plage Blériot à Calais, après une opération de sauvetage de personnes à

bord d’un bateau tentant de traverser la Manche le 23 octobre 2024. © Photo

Sameer Al-Doumy / AFP

Osama Ahmed, 20 ans, a les traits tirés. Il était sur le bateau cette

nuit-là. « *Je suis sans nouvelles de mon père, Ahmed, depuis deux

semaines »*, explique le jeune Syrien d’une voix tendue par l’angoisse,

avant d’ajouter : « Chaque seconde, je meurs. »

« Vers 4 heures du matin, le zodiac a commencé à s’avancer dans la mer,

se remémore Osama, *nous étions entre 60 et 70 personnes sur le bateau,

dont des Syriens, des Égyptiens et des Soudanais. »* *« Il y avait aussi de

nombreuses personnes d’Érythrée,* complète Amar Al Nassif, un autre rescapé

contacté par téléphone. Il y avait beaucoup trop de monde. »

L’embarcation parcourt presque deux kilomètres, avant de faire brusquement

demi-tour. « L’eau commençait à entrer dans le bateau », décrit Osama.

La manœuvre est observée de loin par les passeurs restés sur la plage.

« *Lorsque

le bateau s’est rapproché de la plage, les passeurs nous ont dit que

personne n’était autorisé à sortir du zodiac et qu’il fallait reprendre la

traversée », explique le fils d’Ahmed. « Certains ont essayé de descendre*,

ajoute Amar, *mais les passeurs ont commencé à sortir des couteaux et ont

frappé plusieurs personnes, certaines ont été obligées de remonter. »*

L’embarcation, déjà fragilisée, s’éloigne de nouveau des côtes. À environ

un kilomètre du rivage, un des flotteurs explose. Plusieurs dizaines de

passagers tombent à l’eau et tentent de s’agripper aux bords du

zodiac. « *Des

personnes encore sur le bateau ont déclenché les lampes torches de leurs

téléphones pour faire des signes aux navires au loin »*, se souvient Osama,

tombé dans l’eau avec son père.

Agrippés au zodiac, Osama, Ahmed, Amar et d’autres se débattent dans l’eau

pendant près d’une heure, tentant de tirer l’embarcation vers les côtes.

Peine perdue. Au milieu du chaos, le jeune Syrien perd de vue son père : « *Je

l’appelais, mais il ne me répondait plus. » Amar, lui, est resté longtemps

« à se tenir au bateau »* dans les eaux glaciales de la Manche. « *J’ai

vu des gens mourir »*, lâche-t-il dans un souffle.

Des familles toujours sans nouvelles

Le Minck, un navire affrété par l’État pour le sauvetage d’exilés, était

déjà en mer ce matin-là. En patrouille au large du cap Gris-Nez, il est le

premier à arriver sur les lieux à 7 heures du matin. Trente minutes plus

tard, le canot de la SNSM, les sauveteurs en mer, quitte le port de Calais

et se dirige à toute allure vers le lieu du naufrage.

Selon la préfecture maritime, le premier navire récupère à son bord 40

naufragés, tandis que le canot de la SNSM remonte 8 personnes, qu’elle

transbordera sur le Minck quelques minutes plus tard. Ce dernier prend la

direction du port de Calais à 8 h 41. Au port, deux décès sont constatés

parmi les 48 rescapés.

Le canot de la SNSM restera, lui, sur place jusqu’à 10 h 20, avant de

reprendre la route de son port d’attache. Toujours selon la préfecture, un

hélicoptère a récupéré un troisième corps plus tard dans la matinée. En

après-midi, ce même hélicoptère et « des moyens nautiques » ont effectué

des opérations de recherches.

[image: Illustration 2] Osama Ahmed est sans nouvelle de son père, Ahmed

Ahmed, depuis le naufrage du 23 octobre 2024. © Photo Julia Druelle pour

Mediapart

Osama déplore le peu d’intérêt porté par les autorités au drame auquel il

fait face. *« **J’ai été voir la police, ils m’ont posé des questions sur

le conducteur du bateau et sur les passeurs, raconte-t-il. Mais ce que je

veux savoir, c’est ce qu’il est advenu de mon père. » *Dans l’attente

d’informations, plusieurs rescapés et proches que Mediapart a interrogés se

sentent démunis et ne savent plus vers qui se tourner pour obtenir des

réponses.

Flore Judet, coordinatrice de l’Auberge des migrants, une association

d’aide humanitaire active à Calais, souligne également l’absence de prise

en charge des rescapés par l’État après les naufrages.* « Certaines

personnes sont hospitalisées, mais les autres subissent une audition avec

la police aux frontières qui peut durer de cinq à dix heures*, explique la

salariée de l’Auberge des migrants, *elles sont ensuite relâchées sans

aucune proposition d’accompagnement psychologique, c’est dramatique ! »*

Dans sa chambre, Osama relève le bas de son pantalon : sa jambe est

couverte de plaies. La nuit du naufrage, il a été brûlé au second degré sur

la moitié inférieure du corps par l’essence présente dans le bateau. Mais

il indique, fébrile, ne pas avoir pris le temps de soigner sa blessure

*« Pour

le moment, seule la disparition de mon père m’importe. »*

Depuis le 1ᵉʳ janvier, au moins 73 personnes sont mortes en tentant de

rejoindre le Royaume-Uni, faisant de 2024 l’année la plus meurtrière à la

frontière franco-britannique depuis 1999.

Julia Druelle, Maël Galisson et Simon Mauvieux

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