Fwd: « Il a cogné notre embarcation à trois reprises » : dans le Nord, des exilés pris pour cible par un plaisancier [Médiapart, 11.10.2024]

miladyrenoirmiladyrenoir
2024-10-23 00:08

Des plaisanciers plaisantins assassins, bons copains des policiers

plaisantins assassins.

———- Forwarded message ———

De : Maël Galisson

https://www.mediapart.fr/journal/france/111024/il-cogne-notre-embarcation-trois-reprises-dans-le-nord-des-exiles-pris-pour-cible-par-un-plaisancier

« Il a cogné notre embarcation à trois reprises » : dans le Nord, des

exilés pris pour cible par un plaisancier

*Un zodiac transportant une vingtaine d’exilés a été volontairement percuté

par un bateau de plaisance fin septembre, à Grand-Fort-Philippe, dans le

Nord. Les forces de l’ordre, présentes lors des faits, sont accusées

d’inaction, dans un contexte de fortes tensions à la frontière

franco-britannique.*

Maïa Courtois et Maël Galisson

11 octobre 2024 à 15h11

AuxAux alentours de 8 heures, alors que les habitant·es de

Grand-Fort-Philippe et Petit-Fort-Philippe se réveillent, un canot

pneumatique noir avance au milieu du port de plaisance séparant ces deux

communes du Nord. Dimanche 22 septembre, une vingtaine d’exilé·es naviguent

là, au beau milieu du centre-ville, espérant rejoindre la mer puis

l’Angleterre.

Une scène presque banale ici, tant ce canal de l’Aa débouchant sur la

Manche est devenu ces derniers mois un lieu de passage stratégique. Mais

cette fois, un bateau de plaisance, piloté par un homme, arrive en

contresens et fonce droit sur le canot.

*« Le conducteur du bateau s’est dirigé vers nous et nous a attaqués. Il a

cogné notre embarcation à trois reprises »*, racontent deux mineurs, S. et

N., 16 et 17 ans, rencontrés sur le camp de Loon-Plage, une semaine après

l’événement. Sur l’embarcation se trouvent en majorité des hommes adultes.

Majoritairement Kurdes iraniens, mais aussi quelques Soudanais. Des mineurs

comme S. et N., ainsi que quelques femmes avec enfants, sont au milieu du

zodiac. *« *On n’avait pas de gilets de sauvetage, précise S.* On ne sait

pas nager. On s’est dit qu’on allait mourir. »*

[image: Illustration 1] La photo qui circule de la collision entre un

bateau de plaisance et une embarcation de personnes exilées dans le canal

de l’Aa à Grand-Fort-Philippe le matin du 22 septembre 2024. © Photo

Valentina Camu pour Mediapart

*« On a crié au pilote : “S’il vous plaît, aidez-nous, s’il vous plaît, ne

faites pas ça !” »*, se remémore N. Une riveraine de Grand-Fort-Philippe a

photographié la scène du haut de son appartement. Sur ses images, postées

sur Facebook, on distingue les exilés, sans gilet de sauvetage, faire des

signes avec les bras à l’attention du pilote du bateau. Certains paraissent

paniqués, l’un d’eux tend ses mains jointes. Deux exilés auraient été

blessés, l’un à la tête, l’autre à la jambe, à cause des chocs.

Le récit fait par S. et N. de cette attaque est confirmé par d’autres

passagers du zodiac rencontrés, quelques jours après les faits, par

l’association Utopia 56 qui réalise très régulièrement des maraudes le long

du canal de l’Aa. Dans un enregistrement audio, trois exilés décrivent de

manière similaire le déroulé de la scène.

Ils assurent par ailleurs que les forces de l’ordre auraient été présentes

sur zone durant l’agression. C’est ce qu’affirment aussi S. et N. Nos

témoins évoquent trois véhicules : deux vans et une voiture. De son côté,

S. a comptabilisé *« *environ sept policiers » sur la rive.

Des réservistes de la police nationale présents sur le quai

*« Les policiers qui se trouvaient à proximité ont crié quelque chose au

pilote du bateau, que nous n’avons pas compris, et ensuite, l’homme est

venu nous percuter »*, expliquent les témoins de l’enregistrement audio.

*« *La police nous pointait du doigt », se souviennent N. et S.

Contactée par Mediapart, la préfecture du Nord confirme la présence à terre

d’une *« *patrouille de réservistes de la police nationale ». Alors

qu’elle se trouvait* « à proximité » *du lieu de l’incident, celle-ci

aurait été alertée à 9 h 20 *« *par des riverains » que les deux

embarcations *« *étaient entrées en contact ». Sur place, la patrouille

dit seulement avoir constaté *« **qu’un plaisancier se trouvait sur le

passage d’un small boat sur le canal de l’Aa » *et que *« **le

plaisancier a changé de cap après avoir été invectivé par les occupants »*

.

[image: Illustration 2] S. était sur le bateau lors de la collision avec le

bateau de plaisance. Il raconte avoir vu le bateau percuter trois fois le

zodiaque sur lequel il se trouvait. © Photo Valentina Camu pour Mediapart

Saisie par Utopia 56, l’IGPN (Inspection générale de la police

nationale), soutient

pourtant de son côté qu’« aucun équipage de la CPN [circonscription de

police nationale – ndlr] *de Dunkerque ne se trouvait sur le secteur du

canal de l’Aa le jour des faits »*. Faisant abstraction des réservistes de

la police nationale, relevant bien de l’autorité de l’IGPN, présents sur

place.

« Personne n’est venu nous aider »

*« Juste après nous avoir cognés, le bateau est allé se stationner dans le

port. L’homme a dit “Go, go”, “Fuck you” *», raconte S. Le zodiac a

continué sa route vers la mer pendant plusieurs minutes, sans toutefois

réussir à atteindre la plage de Gravelines, où patientent cinquante autres

personnes migrantes prêtes à monter à bord. *« **Notre canot était

endommagé, il commençait à se dégonfler, on a dû en sortir »*, raconte N.

*« Le moteur aussi a arrêté de fonctionner. On était à environ 100 mètres

de la plage à ce moment-là. On est revenus en ramant avec nos mains »*,

précise S. *« *Nous avons dû nager pour rejoindre la terre ferme,

complètent les témoins rencontrés par Utopia 56, *nous avions de l’eau

jusqu’au visage. Nous nous sommes entraidés pour sortir indemnes de

l’eau. »*

Malgré la présence policière sur les quais, *« **personne n’est venu [les]

aider »*, s’attriste S. Un hélicoptère Dauphin de la marine nationale a

bien survolé la zone, *« *sans doute à la demande de la préfecture »,

indique la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.

L’équipage de l’hélicoptère a constaté la présence sur l’eau, *« **vers 10

heures »*, d’une *« petite embarcation dite small boat, vide, à la sortie

du canal »*. Trop tard, a priori, puisque le rapport de la préfecture

maritime ne relève pas la présence d’exilé·es sur la plage.

[image: Illustration 3] N. était sur le zodiac percuté par un bateau de

plaisance dans le canal de l’Aa en direction de la mer à

Grand-Fort-Philippe le 22 septembre 2024. © Photo Valentina Camu pour

Mediapart

Interrogée sur d’éventuelles suites judiciaires, notamment vis-à-vis du

plaisancier que Mediapart a été en mesure d’identifier, la préfecture n’en

mentionne aucune et se contente d’indiquer que l’incident *« **n’a pas fait

l’objet d’une plainte ou d’une main courante »*. Utopia 56 a émis un

signalement auprès du procureur de Dunkerque le 25 septembre, sans retour

jusqu’ici.

Regain de tensions depuis les législatives

Cet événement survient au sortir d’un été meurtrier à la frontière

franco-britannique. Depuis le 1er juillet, au moins trente-cinq personnes

sont mortes en traversant la Manche, au moins cinquante et une depuis le 1er

janvier 2024. Les victimes sont pour la plupart mortes noyées lors de

naufrages ou étouffées pendant des embarquements chaotiques.

Mansur, un enfant de 2 ans ainsi qu’une femme d’origine vietnamienne et

deux hommes sont ainsi décédés dans ces conditions le 5 octobre.

Le déploiement massif de forces de l’ordre sur le littoral nord de la

France pour dissuader les départs de small boats peine à freiner la

hausse des traversées ces dernières semaines. Au cours du week-end pendant

lequel s’est déroulé l’incident du canal de l’Aa, 1 424 personnes ont

réussi à rallier les côtes britanniques, selon le Home Office, l’instance

ministérielle qui supervise l’immigration outre-manche. Depuis le 1er

janvier, ce sont plus de 25 000 personnes qui sont arrivées en Angleterre

après une traversée de la Manche.

Aux tactiques policières pour empêcher les départs, parfois elles-mêmes

dangereuses

https://www.mediapart.fr/journal/france/140324/jumaa-voulait-rejoindre-l-angleterre-il-disparu-lors-d-une-intervention-de-police#at_medium=custom7&at_campaign=1047,

s’est ajoutée une série d’actes antimigrants perpétrés par des citoyens, en

particulier depuis la campagne des législatives de juin : agression à la

voiture bélier, jets de projectiles, tags racistes et menaces de mort

https://www.streetpress.com/sujet/1719829850-calais-recrudescence-actes-anti-migrants-exiles-racisme-xenophobie-insultes-menaces-violences-elections-rn

Ces tensions génèrent un cocktail explosif qui se retourne parfois contre

la population locale. Dans la nuit du 14 ou 15 septembre, à Tardinghen, un

groupe d’exilés empêchés de prendre la mer s’en serait pris à des chasseurs

https://www.francebleu.fr/emissions/l-info-bonus/chasseurs-agresses-par-des-migrants-a-tardinghen-que-s-est-il-passe-9446406

qui se trouvaient à proximité. Deux jours après, le préfet du Pas-de-Calais

a affirmé dans un communiqué vouloir *« **favoriser les échanges

d’information entre les forces de l’ordre et les chasseurs »*, dans le

cadre de la* « lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine »*.

Dans la saisine du Défenseur des droits envoyée après l’attaque du

plaisancier, Utopia 56 s’inquiète de cette* « volonté des forces de l’ordre

de demander à des citoyens et citoyennes de surveiller ce qu’il se passe

sur le littoral »*. Et craint qu’avec cette logique, ces incidents « *ne

se multiplient et s’aggravent »*.

Maïa Courtois et Maël Galisson