[Jungles] Les sas : accueil temporaire ou antichambre de l’expulsion ?

miladyrenoirmiladyrenoir
2024-5-29 18:01

De : Caroline maillary@gisti.org

Bonjour

Pour info un nouveau dossier sur les SAS sur le site du Gisti.

Comme il est assez difficile de trouve des infos sur le fonctionnement des

SAS, si vous en avez vous pouvez nous les envoyer : sas@gisti.org

Il y a notamment dans le 1, un tableau regroupant les 10 sas existant en

France. Si vous avez notamment des infos sur un SAS proche de chez vous,

n’hésitez pas !

*Seloncourt/Besançon, Geispolsheim (Strasbourg), Marseille, Bordeaux,

Montgermont (Rennes), Lyon, Rouen, Olivet (Orléans), Beaucouzé (Angers),

Toulouse*Les sas : accueil temporaire ou antichambre de l’expulsion ?

https://www.gisti.org/rubrique642

Avec la création des « sas d’accueil temporaire » en avril 2023

https://www.gisti.org/spip.php?article7117, qui concerne les personnes

qui demandent l’asile, les réfugié⋅es et les personnes étrangères sans-abri

en région parisienne - l’État à franchi encore une étape dans

l’invisibilisation et la maltraitance des personnes exilé⋅es. Présentés

comme un dispositif de « mise à l’abri », les sas sont dénoncés par de

nombreuses associations car ils sont surtout une façon de « nettoyer » la

région parisienne de ses campements.

Les ministères ont annoncé un objectif de 7 000 personnes orientées par an

vers ces sas mais la réalité est toute autre malgré la multiplication des

opérations de mise à l’abri menées en IDF.

Il y a de nombreux retours vers Paris de personnes orientées à la suite

d’une fin de prise en charge. Les associations ont pu constater une

insatisfaction quant aux conditions des prises en charges, ainsi qu’un

mauvais accompagnement pour les demandes de protection internationale ou de

régularisation du séjour. D’autres sont tout simplement remises

immédiatement à la rue ou forcés à déposer des demandes de titres de séjour

sans aucun espoir de réponse favorable.

I. Le piège des sas - Informations pratiques sur les sas d’accueil

temporaire https://www.gisti.org/spip.php?article7235I. Le piège des sas

*Informations pratiques sur le fonctionnement des sas d’accueil temporaire

(mai 2024)Si vous avez des informations à nous envoyer sur les sas : sas

arobase gisti.org http://gisti.org*

Depuis la mise en place des « sas d’accueil temporaire » et l’application

de la circulaire du 13 mars 2023

https://www.gisti.org/spip.php?article7116, des associations parisiennes,

dont le Gisti, constatent qu’un nombre important de personnes exilées

transférées dans ces sas reviennent en Île-de-France où les expulsions de

campements s’accélèrent notamment à l’approche des jeux olympiques.

10 sas sont actuellement mise en place dans les régions : Occitanie,

Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Centre-Val de Loire, Bretagne et

Nouvelle-Aquitaine.

Des témoignages sur le fonctionnement des sas, notamment au sein de la

permanence « réfugié.es http://xn–rfugi-bsae.es la chapelle » à Paris

dont le Gisti est membre, participent à une meilleure connaissance des

pratiques en cours dans ces hébergements particuliers. De nombreuses

personnes exilées sont insatisfaites des conditions des prises en charges,

et de l’accompagnement que beaucoup décrivent comme mauvais, voir

inexistant.

——————————

Tableau récapitulatif des sas (ville, opérateur, bâtiment et nombre de

places, situation de l’hébergement d’urgence dans la région et/ou le

département, informations sur les sorties de sas)

https://www.gisti.org/IMG/pdf/tableau-sas-site.pdf

Tableau récapitulatif des sas

A. Les sas : un système déguisé de remise à la rue

Des associations présentes sur les campements parisiens, notamment des

membres du collectif Le revers de la médaille

https://lereversdelamedaille.fr/, dénoncent le système des sas. Pour

elles, il s’agit d’une remise à la rue déguisée puisque les personnes sont

orientées vers des hébergements d’urgence saturés qui ne pourront pas les

accueillir à moins de mettre les personnes déjà logées à la rue. En effet,

les personnes restent peu de temps dans ces sas. Et de nombreuses remises à

la rue « sèches » sont constatées. C’est un des rouage du nettoyage social

de la capitale mis en place et qui s’accélère avec les jeux olympiques.

Dans plusieurs articles de presse

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/20/les-sas-regionaux-d-accueil-une-mise-a-l-abri-temporaire-pour-les-migrants-loin-de-paris-et-des-jeux-olympiques_6217443_3224.html,

des exilé⋅es et personnels des sas reconnaissent des mises à la rue

« sèches » peu de temps après l’arrivée des personnes dans les sas. Dans de

nombre cas, les personnes sont envoyées dans les départements alentours et

il devient encore plus difficile d’obtenir des informations. Il est

difficile de savoir combien de temps elles sont prises en charge et dans

quels dispositifs.

Certains sas, ouverts dans la précipitation, semblent avoir du mal à

fonctionner. D’autant que dans la plupart des régions visées, les

associations tirent la sonnette d’alarme depuis des années sur le manque de

places d’hébergement asile ou hébergement d’urgence. De plus, afin de

permettre l’ouverture de ces sas, des personnes précédemment hébergées dans

ces lieux ont dû être mises à la rue, afin d’accueillir les bus des

personnes venant d’Île-de-France.

Il est difficile d’obtenir des données et informations précises sur le

fonctionnement de ces sas, qui semble dépendre de l’association opératrice

en charge du lieu et des moyens mis en œuvre pour trouver des solutions

d’hébergement durable dans le département ou la région après cette étape du

sas [1 https://www.gisti.org/spip.php?article7235#nb1].

De nombreuses personnes exilées se disent insatisfaites des conditions des

prises en charges, et de l’accompagnement que beaucoup décrivent comme

mauvais, voir inexistant.

B. Un encadrement des lieux à géométrie variable

Pourtant, les cahiers des charges que l’on a pu se procurer prévoient un

encadrement et des normes très précises. Par exemple celui du sas de

Besançon prévoit (annexe 1 de l’appel à projet

http://www.doubs.gouv.fr/contenu/telechargement/38589/262893/file/avis%20et%20CC%20AAP%2050%20places%20sas%20r%C3%A9gional%20BFC%202023.pdf

) :

accueillies

transports en commun.

Pourtant, les conditions d’accueil et d’encadrement semblent fortement

varier en fonction de la région. Par exemple, à Lyon, Bordeaux, Rouen,

Toulouse ou Marseille où les exilé⋅es sont accueillis dans des lieux

proches des commerces ou du centre-ville, ce qui n’est pas le cas dans les

autres sas. A Montgermont, Beaucouzé, Olivet et Geispolsheim, les sas sont

dans des hôtels bas de gamme et parfois vieillissant, dans des zones

industrielles, éloignés du centre ville et des commerces.

StreetPress a recueilli le témoignage d’un militant de Strasbourg qui parle

du sas de Geispolsheim

https://www.streetpress.com/sujet/1702468074-dispositif-sas-accueil-regions-exode-migrants-rue-prefecture-jeux-olympiques

:

« *Un hôtel miteux très difficile d’accès. Il y a un bus qui passe une fois

par heure, et pas tout le temps, qui vous dépose à l’entrée d’un chemin

lugubre. Il faut marcher 15 minutes le long de l’autoroute.* » Certaines

personnes témoignent également de manœuvres pour les forcer à déposer une

demande de titre de séjour qui risque fortement d’aboutir à la délivrance

d’une OQTF.

Un article du Monde

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/20/les-sas-regionaux-d-accueil-une-mise-a-l-abri-temporaire-pour-les-migrants-loin-de-paris-et-des-jeux-olympiques_6217443_3224.html

relève

le cas d’un couple d’Algériens, ayant reçu une OQTF quelques jours

seulement après leur arrivée dans le sas de Geispolsheim, avec leur enfant

de 5 mois. La famille retourne donc en Île-de-France. Après cet aller

retour catastrophique pour leur situation administrative, ils sont

considérés comme ayant quitté volontairement le sas, donc une remise à

l’abri leur est refusée par le 115.

Des familles expliquent également avoir été forcées à déposer des demandes

d’asile.

Dans un autre article du Monde de juillet 2023

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/17/orientation-des-migrants-en-region-des-retours-du-terrain-de-plus-en-plus-inquietants-faute-de-places-dans-l-hebergement-d-urgence_6182302_3224.html,

des personnes témoignent de pressions pour obliger les personnes à déposer

des demandes de titres de séjour ou des demandes d’asile : « *On a pris mes

empreintes à la préfecture et donné un récépissé pour une demande de

réexamen de ma demande d’asile alors que je ne souhaitais pas faire cela,

explique-t-elle. Je n’ai pas d’éléments nouveaux à apporter et je risque

une nouvelle OQTF [obligation de quitter le territoire français]. On m’a

expliqué que sans ça, je n’aurais pas le droit à un logement et que

le 115 [l’hébergement d’urgence] à Bordeaux, c’est pire qu’à Paris, qu’on

nous trouve des hébergements pour deux jours seulement. * ».

Enfin, les mineurs non accompagnés sont particulièrement visés par

l’orientation en sas. En attendant la décision du juge des enfants

reconnaissant ou non leur minorité, ils se retrouvent souvent à devoir

dormir à la rue. L’État leur propose souvent d’aller en région via le

système des sas. Pourtant, non seulement les sas refusent des mineurs car

ils ne sont pas prévus pour les accueillir ; mais de plus, en les éloignant

de la région parisienne, cela augmente le risque d’être absent à une

convocation importante, comme une audience au tribunal. En outre, les

mineurs seraient dirigés vers des procédures de titres de séjour pour

adultes, pour lesquels ils peuvent recevoir une OQTF alors qu’ils font

encore les démarches de reconnaissance de minorité.

Quelques chiffres :

Les ministères ont annoncé un objectif de 7 000 personnes orientées par an

vers ces sas. Le 14 novembre 2023, un article publié sur le site de FR3

https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/220-migrants-evacues-d-un-campement-a-paris-un-collectif-denonce-un-nettoyage-social-avant-les-jo-de-paris-2872661.html

dénombrait

32 opération de “mise à l’abri” organisée par les autorités cette année en

Île-de-France, « avec 5 963 personnes prises en charge en 2023 ».

Les autorités ont procédé au petit matin « *à une opération de mise à

l’abri pour des personnes dormant à la rue au niveau du secteur du quai

d’Austerlitz * », dans le 13e arrondissement, ont écrit dans un communiqué

commun la préfecture de la région d’Île-de-France et la préfecture de

police de Paris.

« *Sur les 221 personnes prises en charge au niveau du quai d’Austerlitz,

100 d’entre elles ont été prises en charge et orientées vers des structures

d’accueil temporaire en région, ont indiqué ces préfectures.* »

Le 12 décembre 2023, un article du Monde

http://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/12/un-campement-evacue-dans-le-nord-est-de-paris_6205387_3224.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=mail

parle

de l’opération d’évacuation du campement à côté du parc Delphine Seyrig

dans le 19e arrondissement qui a eu lieu de 12 décembre 2023 :

Il s’agissait de la 35e opération menée par la préfecture en 2023. Plus de

3 329 personnes ont été orientées vers des sas depuis leur ouverture. Selon

la préfecture, plus de 6 300 personnes ont été mises à l’abri en 2023.

Mais le 12 décembre, «

la plupart d’être envoyés en province, ont rapporté des associations et la

préfecture.Parmi elles, seize ont finalement accepté d’être transférées

vers « le sas de Strasbourg et quatre-vingt-quatre autres ont été placées

dans un centre d’accueil en région parisienne* ». « Mardi, « il y avait un

bus pour Angers et un pour Strasbourg, mais personne ne voulait y aller »,

a repris Paul Alauzy. « Si les gens refusent de monter dans les bus alors

qu’ils survivent sur des campements sordides sous un pont en plein hiver,

c’est bien qu’il y a un problème [quant] à la destination », a-t-il

insisté. »

Dans un article du 14 septembre 2023, France info

http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/info-franceinfo-avant-les-jeux-olympiques-1-600-migrants-ont-ete-evacues-de-paris-vers-d-autres-regions-via-un-dispositif-special-lance-il-y-a-six-mois_6061605.html

publiait

un chiffre sur le taux de personnes qui restent dans ces centres après

transfert : « *À l’issue de leur passage dans les sas, 20% d’entre eux

partent sans que l’on sache ce qu’ils deviennent, a indiqué le ministère du

Logement, et 53% d’entre eux sont redirigés vers des centres d’hébergement

d’urgence, dans des villes dans lesquels les dispositifs d’aide sont déjà

saturés.* » Ce chiffre grimpe jusqu’à 40% dans certaines villes comme à

Bordeaux.

StreetPress

http://www.streetpress.com/sujet/1702468074-dispositif-sas-accueil-regions-exode-migrants-rue-prefecture-jeux-olympiques

s’est

procuré des chiffres mi-novembre 2023 auprès de la préfecture

d’Île-de-France et la Drihl (direction régionale et interdépartementale de

l’hébergement et du logement) : le taux d’occupation des sas est de 90%,

selon la Direction générale des étrangers en France (DGEF) et 46% des

migrants orientés sur le 115. Seulement 38% des personnes ont été orientées

vers le dispositif national d’accueil des personnes demandant

l’asile (DNA), dispositif complètement saturé depuis des années, dû fait

d’une volonté des différentes gouvernement de politique de non-hébergement

des demandeurs et demandeuses d’asile.

En février 2024, un article du Monde

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/20/les-sas-regionaux-d-accueil-une-mise-a-l-abri-temporaire-pour-les-migrants-loin-de-paris-et-des-jeux-olympiques_6217443_3224.html

révèle

que : « *depuis mai 2023, 52 % d’entre eux ont été orientés vers le

dispositif national d’accueil, qui héberge les demandeurs d’asile le temps

de leur demande de protection, 32 % vers une place d’hébergement d’urgence,

1 % vers un logement et 1 % vers un programme d’accompagnement vers le

logement, détaille la préfecture du Maine-et-Loire. 14 % ont aussi quitté

volontairement le sas ou “refusé leur proposition d’orientation” * ».

Evacuation d’un campement parisien de mineurs isolés (avril 2024)

Notes

[1 https://www.gisti.org/spip.php?article7235#nh1] La FNARS souligne que

la création d’hébergement d’urgence est nécessaire pour ce dispositif alors

que les autorités prévoit d’en supprimer 10 000

http://www.ouest-france.fr/monde/migrants/six-questions-sur-ces-centres-qui-accueilleront-des-migrants-et-sans-abri-dile-de-france-fd8c0f18-fa41-11ed-9dad-48744aab688c

Dernier ajout : mardi 28 mai 2024, 17:02

URL de cette page : www.gisti.org/article7235

II. Analyse de la circulaire « sas d’accueil temporaire »

https://www.gisti.org/spip.php?article7233

III. Revue de presse https://www.gisti.org/spip.php?article7234