« Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! » Il est des cimetières
marins plus beaux que d’autres. Pacifique sud, mer Rouge, Caraïbes,
Australie, Madagascar, Brésil… Des os blanchissent désormais les mers du
monde entier, plantés dans le sol comme des forêts de bonsaïs
fantomatiques. Ils ont le teint des cadavres que l’on plonge dans le
formol. Blanc. Livide. Le corail va disparaitre. C’est une question de
temps.
Depuis plusieurs semaines, le monde est en alerte. La Grande barrière,
d’abord. Elle n’a « jamais connu de vagues de chaleur marine aussi longues
», peut-on lire dans Libération. Les causes ? Le réchauffement climatique
dû aux activités humaines, bien entendu. Les conséquences ? Un
blanchissement massif des 2 300 kilomètres de coraux du nord-est de
l’Australie. Le pire depuis plus de trente ans, témoigne une chercheuse.
Sur le millier de récifs observés, environ 730 ont blanchi. 40 % seraient
même un état critique de blanchissement très élevé ou extrême. Mais
l’Australie, par ailleurs grande consommatrice de charbon, est loin d’être
le seul pays concerné. Les coraux du monde entier sont touchés. Même ceux
de la mer Rouge, que l’on pensait relativement protégés, blanchissent.
Blanchissement total
Le blanchissement est ici synonyme de maladie mortelle et non pas de
sourire à l’américaine. Les coraux sont des organismes qui vivent en
symbiose avec des microalgues qui leur apportent 95% des éléments nutritifs
dont ils ont besoin. En cas de stress thermique, ces algues « se mettent à
produire des oxydants toxiques pour le corail. Pour se défendre, celui-ci
[les] expulse dans l’eau et rompt la symbiose. Dès lors, le corail devient
blanc. Non pas parce qu’il est mort ! Simplement parce que ses tissus sont
transparents et laissent ainsi, en l’absence de l’algue, apparaître son
squelette calcaire », nous explique la chercheuse Aline Tribollet dans
Reporterre. Pas mort, du moins pas encore, car si les vagues de chaleur
durent, plusieurs semaines, et se répètent, alors l’organisme meurt. Tout
le problème est là. Car ces épisodes de chaleur extrême sont de plus en
plus fréquents. En 2023, on battait un record à la surface des océans, avec
une température moyenne supérieure à 21 °C.
Et cela va s’amplifier. Les océans se réchauffent et s’acidifient
inexorablement. Le GIEC nous avait d’ailleurs prévenus, encore une fois.
Une hausse moyenne des températures de +1,5°C par rapport à l’ère
préindustrielle causerait la disparition de 99% des coraux. + 2°C et ce
sont 100% des coraux qui disparaitront. Aujourd’hui, les chercheurs
estiment que nous serons probablement au-dessus des +3°C à l’horizon 2100,
peut-être même à +4°C.
Conséquences en cascade
Le corail ne sera donc qu’un lointain souvenir que l’on étudie à partir de
ses squelettes, rangés avec ceux des mammouths, des vélociraptors et des
dodos. Mais pourquoi c’est grave ? Après tout, on vit bien sans dinosaures
ou pachydermes laineux ! Sauf que les coraux abritent entre 25 et 30 % de
la faune marine de notre planète. « Sans coraux, on perd 30 % de la faune
marine », détaille le chercheur Denis Allemand, dans les colonnes de
Libération. Vous la sentez venir la réaction en chaîne, l’effet cliquet ?
D’après WWF, « environ 850 millions de personnes dans le monde dépendent
des récifs de coraux pour leur alimentation, leur emploi ou encore pour la
protection des littoraux », peut-on lire sur le site de France 24. Mais ce
n’est pas tout ! Les coraux protègent aussi des tsunamis, des tempêtes, de
l’érosion et donc de la montée des eaux… Des chercheurs estiment même
qu’ils rapporteraient environ « 380 milliards de dollars par an tous
bénéfices confondus », ajoute Denis Allemand. D’ailleurs, peut-être qu’il
faut parler dollars pour que les choses changent ?
Changer les choses, inverser la tendance, l’humanité s’en croit capable.
Elle a bien créé la médecine, la technologie et le cheeseburger.
L’innovation la sauvera, c’est sur ! Alors, pour s’en persuader, elle tente
des choses. Certains imaginent couvrir la surface des océans avec du tissu
ou de petites billes pour protéger les coraux du soleil. On rirait si ce
n’était pas sérieux. D’autres fabriquent du brouillard à la surface de
l’eau pour tenter de créer un voile protecteur… Soigner une fracture
ouverte avec un pansement, c’est ce que la science promet pour nous éviter
de regarder les choses en face : sans disparition des énergies fossiles,
n’espérons aucune issue de secours. « Le vent se lève !… Il faut tenter de
vivre ! »
https://mailchi.mp/ladisparition/la-disparition-des-coraux?e=070241dc81