La disparition des coraux

miladyrenoirmiladyrenoir
2024-4-25 17:07

« Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! » Il est des cimetières

marins plus beaux que d’autres. Pacifique sud, mer Rouge, Caraïbes,

Australie, Madagascar, Brésil… Des os blanchissent désormais les mers du

monde entier, plantés dans le sol comme des forêts de bonsaïs

fantomatiques. Ils ont le teint des cadavres que l’on plonge dans le

formol. Blanc. Livide. Le corail va disparaitre. C’est une question de

temps.

Depuis plusieurs semaines, le monde est en alerte. La Grande barrière,

d’abord. Elle n’a « jamais connu de vagues de chaleur marine aussi longues

», peut-on lire dans Libération. Les causes ? Le réchauffement climatique

dû aux activités humaines, bien entendu. Les conséquences ? Un

blanchissement massif des 2 300 kilomètres de coraux du nord-est de

l’Australie. Le pire depuis plus de trente ans, témoigne une chercheuse.

Sur le millier de récifs observés, environ 730 ont blanchi. 40 % seraient

même un état critique de blanchissement très élevé ou extrême. Mais

l’Australie, par ailleurs grande consommatrice de charbon, est loin d’être

le seul pays concerné. Les coraux du monde entier sont touchés. Même ceux

de la mer Rouge, que l’on pensait relativement protégés, blanchissent.

Blanchissement total

Le blanchissement est ici synonyme de maladie mortelle et non pas de

sourire à l’américaine. Les coraux sont des organismes qui vivent en

symbiose avec des microalgues qui leur apportent 95% des éléments nutritifs

dont ils ont besoin. En cas de stress thermique, ces algues « se mettent à

produire des oxydants toxiques pour le corail. Pour se défendre, celui-ci

[les] expulse dans l’eau et rompt la symbiose. Dès lors, le corail devient

blanc. Non pas parce qu’il est mort ! Simplement parce que ses tissus sont

transparents et laissent ainsi, en l’absence de l’algue, apparaître son

squelette calcaire », nous explique la chercheuse Aline Tribollet dans

Reporterre. Pas mort, du moins pas encore, car si les vagues de chaleur

durent, plusieurs semaines, et se répètent, alors l’organisme meurt. Tout

le problème est là. Car ces épisodes de chaleur extrême sont de plus en

plus fréquents. En 2023, on battait un record à la surface des océans, avec

une température moyenne supérieure à 21 °C.

Et cela va s’amplifier. Les océans se réchauffent et s’acidifient

inexorablement. Le GIEC nous avait d’ailleurs prévenus, encore une fois.

Une hausse moyenne des températures de +1,5°C par rapport à l’ère

préindustrielle causerait la disparition de 99% des coraux. + 2°C et ce

sont 100% des coraux qui disparaitront. Aujourd’hui, les chercheurs

estiment que nous serons probablement au-dessus des +3°C à l’horizon 2100,

peut-être même à +4°C.

Conséquences en cascade

Le corail ne sera donc qu’un lointain souvenir que l’on étudie à partir de

ses squelettes, rangés avec ceux des mammouths, des vélociraptors et des

dodos. Mais pourquoi c’est grave ? Après tout, on vit bien sans dinosaures

ou pachydermes laineux ! Sauf que les coraux abritent entre 25 et 30 % de

la faune marine de notre planète. « Sans coraux, on perd 30 % de la faune

marine », détaille le chercheur Denis Allemand, dans les colonnes de

Libération. Vous la sentez venir la réaction en chaîne, l’effet cliquet ?

D’après WWF, « environ 850 millions de personnes dans le monde dépendent

des récifs de coraux pour leur alimentation, leur emploi ou encore pour la

protection des littoraux », peut-on lire sur le site de France 24. Mais ce

n’est pas tout ! Les coraux protègent aussi des tsunamis, des tempêtes, de

l’érosion et donc de la montée des eaux… Des chercheurs estiment même

qu’ils rapporteraient environ « 380 milliards de dollars par an tous

bénéfices confondus », ajoute Denis Allemand. D’ailleurs, peut-être qu’il

faut parler dollars pour que les choses changent ?

Changer les choses, inverser la tendance, l’humanité s’en croit capable.

Elle a bien créé la médecine, la technologie et le cheeseburger.

L’innovation la sauvera, c’est sur ! Alors, pour s’en persuader, elle tente

des choses. Certains imaginent couvrir la surface des océans avec du tissu

ou de petites billes pour protéger les coraux du soleil. On rirait si ce

n’était pas sérieux. D’autres fabriquent du brouillard à la surface de

l’eau pour tenter de créer un voile protecteur… Soigner une fracture

ouverte avec un pansement, c’est ce que la science promet pour nous éviter

de regarder les choses en face : sans disparition des énergies fossiles,

n’espérons aucune issue de secours. « Le vent se lève !… Il faut tenter de

vivre ! »

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