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Des centaines de migrants syriens refoulés par Chypre et renvoyés au Liban
Par Orient Le Jour
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le : 18/04/2024
Par Emmanuel HADDAD
/Plusieurs bateaux de migrants syriens ont été bloqués par les
gardes-côtes et la police chypriotes, selon des sources concordantes.
Certains ont été renvoyés au Liban, d?autres dérivent en mer dans le
plus grand dénuement.
Les Libanais ne veulent pas de nous et les Chypriotes nous renvoient
ici, alors que faire ? » s?exclame Bassem*, frère d?un passager de l?un
des bateaux partis du Liban-Nord vers Chypre depuis plusieurs jours et
renvoyé à son point de départ après une traversée infernale en Méditerranée.
Plusieurs centaines de personnes, en majorité syriennes, ayant tenté de
rejoindre Chypre de manière irrégulière depuis le Liban ont été
interceptées dans les eaux territoriales chypriotes en début de semaine
par la police et les gardes-côtes, selon des sources concordantes. Une
partie d?entre elles ont été renvoyées mercredi vers le Liban, dans un
contexte de raidissement de la politique migratoire et de montée du
racisme antisyrien dans les deux pays.
Raflé au Liban, refoulé à Chypre
Il est pour l?instant difficile de quantifier avec certitude le nombre
de ces candidats malheureux à l?exil. Mais une chose est sûre, ils sont
nombreux. Un média chypriote évoque cinq embarcations transportant 500
migrants, tandis que l?ONG Alarm Phone, qui soutient les personnes
traversant la mer Méditerranée, assure sur son compte X (anciennement
Twitter) être en contact avec les passagers de quatre bateaux et dénonce
le refus du Centre commun de coordination des opérations de sauvetage
chypriote (JRCC) de lancer une opération de sauvetage.
Dérivant dans les eaux territoriales chypriotes depuis le 12 avril, «
d?aucuns sont malades, ils n?ont plus de nourriture, d?eau et d?essence
pour poursuivre leur voyage », écrit Alarm Phone mardi. Parmi eux, des
passagers affirment que la police chypriote les a menacés avec des armes
à feu en leur disant de rentrer en Syrie. « Les derniers jours ont été
un cauchemar pour eux. Nous sommes accablés par le refus des autorités
de leur venir en aide », témoigne Anja, membre d?Alarm Phone.
Bassem, lui, assure que huit embarcations sont parties du Liban : cinq
continueraient de dériver en mer tandis que trois auraient fait le
chemin inverse vers le Liban. Parti lundi, son frère Ziad* a fait cet
aller-retour cauchemardesque pour la somme de 2 650 dollars. Vivant
depuis plus de dix ans au Liban où il travaille à Jounieh comme
réparateur de climatiseurs, le jeune homme de 28 ans a subitement décidé
de remettre son destin dans les mains des passeurs après avoir été
victime d?une rafle raciste. « Après la mort de Pascal Sleiman
(responsable des Forces libanaises pour la région de Jbeil), mon frère
raccompagnait notre soeur à Ghazir, avec son époux et un cousin, quand
ils se sont fait tabasser par les autoproclamés ?Gardiens de Ghazir?. Ils
n?ont même pas pu aller à
l?hôpital car il était interdit aux Syriens de se déplacer. C?est la
goutte d?eau qui l?a décidé à partir pour Chypre », relate-t-il.*
Peur de « mourir de faim »
*Mais son rêve d?exil échoue à quelques milles des côtes chypriotes. «
Ils sont arrivés hier à 10h du matin dans les eaux territoriales
chypriotes, mais les gardes-côtes les ont bloqués pendant deux jours.
Puis ils leur ont donné de l?essence, de l?eau et de la nourriture et
les ont renvoyés vers le Liban », dit-il. Mercredi, plusieurs photos et
vidéos circulent sur les réseaux sociaux montrant des femmes, des hommes
et des enfants débarquant d?un bateau de pêche en bois à Mina, la ville
portuaire accolée à Tripoli. Sur ces images, ils expliquent avoir été
refoulés par les gardes-côtes chypriotes.
Selon Mohammad Sablouh, avocat membre de l?ONG Cedar Center for Legal
Studies, l?un des trois bateaux arrivés au Liban est détenu par l?armée,
avec le risque que ses passagers soient déportés en Syrie. Interrogé, le
porte-parole de l?armée n?a pas apporté d?éléments sur ce sujet. Or,
selon Bassem, « beaucoup sont recherchés par le régime, soit pour être
enrôlés dans l?armée, soit parce qu?ils font partie de l?opposition ».
Le sort des passagers qui ne sont pas retournés au Liban inquiète aussi
Alarm Phone. Sur le réseau X, l?ONG affirme que certains lui « disent
craindre de mourir de faim ». D?autres rapportent que le JRCC « leur a
dit qu?ils n?atteindraient jamais Chypre et qu?ils devaient retourner en
Syrie ». « Cela constitue une violation de la Convention relative au
statut des réfugiés et met leur vie en danger », poursuit l?ONG, qui
dénonce « un jeu cruel entre le Liban et Chypre », aux dépens du droit
d?asile des personnes tentant la traversée irrégulière. « C?est du
refoulement et cela est prohibé quoi qu?il arrive. Chypre, comme
l?ensemble des États membres de l?UE, doit respecter le principe de
non-refoulement qui est la pierre angulaire du droit d?asile », réagit
Brigitte Espuche, co-coordinatrice du réseau Migreurop.
Confrontées à un pic d?arrivées de demandeurs d?asile syriens depuis le
Liban, les autorités de l?État insulaire ont exhorté début avril le
Liban à ne pas « exporter » son problème migratoire. Le 15 avril,
Nicosie a décidé de suspendre tout traitement des demandes d?asile de
Syriens. « Nous l?avons appris tandis que mon frère était déjà avec les
passeurs. Sinon, il ne serait jamais parti », soupire Bassem. Selon
Brigitte Espuche, « le nombre de demandeurs d?asile ne peut justifier
une réduction de l?accueil et de la protection, c?est absolument illégal ».
Après avoir signé en 2020 un protocole d?accord secret avec le Liban
visant à freiner les départs et faciliter les retours des candidats à la
migration, Chypre cherche désormais à obtenir un accord officiel sur les
migrants entre l?Union européenne et le Liban. L?objectif du lobbying de
Nicosie ? Convaincre les Européens qu?il existe des « zones sécurisées »
à l?intérieur de la Syrie où les réfugiés pourraient être transférés.
Les organisations internationales soulignent toutefois de nombreux cas
de disparition forcée ou d?arrestation de réfugiés lors de leur retour
en Syrie.*
*Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de sécurité.
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